L’instauration d’une vignette, d’ici 2016, pour tous les véhicules entrant en Allemagne fait grincer des dents en Moselle.
Les frontaliers montent au créneau et n’hésitent pas à évoquer un « racket fiscal ». Cent kilomètres par jour. Pour rejoindre son travail à la ZF à Sarrebruck et regagner ensuite son domicile, à Meisenthal, au Pays de Bitche.
Depuis quarante ans, Roland Sarter travaille en Allemagne et emprunte l’autoroute. Mais il s’apprête prochainement à changer ses habitudes. Car, en aucun cas, il ne payera la moindre vignette, nécessaire à compter de 2016, pour rouler sur les autoroutes allemandes. Vendredi, le Parlement allemand a adopté le projet, vivement critiqué, de péage pour tout véhicule entrant sur le territoire, comme en Suisse. Les automobilistes devront s’acquitter de la somme de 5, 10 ou 15 euros pour une vignette valable 15 jours; 16 à 30 euros pour deux mois, voire jusqu’à 130 euros, pour une vignette annuelle.
Impensable pour Roland Sarter, qui n’hésite pas à évoquer «un racket fiscal et un retour vers le Moyen Âge. Il faudra payer une dîme pour aller travailler. C’est ça la libre circulation en Europe? Ce n’est pas à nous, les frontaliers, de payer l’entretien des routes allemandes.»
Un temps de parcours rallongé
À 63 ans, Roland Sarter envisage de ne plus emprunter l’autoroute, mais uniquement les routes nationales, « comme ça, on foutra un vacarme supplémentaire dans tous les petits patelins ». Même si cela rallongera son temps de trajet d’une dizaine de minutes. « Je préfère encore cela à payer. » Pour les frontaliers, un combat en chasse un autre. En 37 ans d’existence, le comité de défense des travailleurs frontaliers de Moselle n’a jamais désarmé.
Pour défendre les acquis sociaux, lutter contre les discriminations. Fort de ses 11 000 adhérents, il s’apprête à monter à nouveau au créneau pour décrier ce projet « scandaleux qui pénalise les travailleurs frontaliers », s’indigne Arsène Schmitt, le président : 23000 rien qu’en Sarre et en Palatinat. « Cette mesure est la suite logique de l’Europe, de la casse sociale qui, à travers ses plans d’austérité, démolit nos conquêtes ouvrières. On ne se laissera pas faire », prévient-il. Le comité envisage d’écrire plusieurs courriers dans un premier temps. Aux autorités sarroises, pour qu’elles tiennent compte des spécificités frontalières.
« Pour éviter que ceux qui bossent soient pénalisés. Pourquoi ne pas instaurer un droit d’entrée dans les entreprises tant qu’on y est? » Pour Arsène Schmitt, ce projet de péage frappera de plein fouet les travailleurs précaires, « qui perçoivent 400 euros par mois. Imaginez s’ils doivent encore débourser 130 euros pour cette vignette? Honteux! » Les conséquences ne se feront pas attendre pour lui et se répercuteront directement sur le commerce sarrois. « Plusieurs frontaliers en appellent déjà au boycott et annoncent qu’ils n’iront plus en Sarre. »
A. K. (Le Républicain lorrain)