Après plus de six heures de délibéré, le verdict est tombé peu avant 23h mercredi soir : Francis Heaulme a été reconnu coupable d’avoir tué Alexandre Beckrich et Cyril Beining sur un talus SNCF à Montigny-lès-Metz en 1986.
Le tueur en série a été condamné pour la troisième fois à la réclusion criminelle à perpétuité, sa dixième condamnation au total, mercredi devant la Cour d’assises de la Moselle. Son avocate, Me Liliane Glock, a fait savoir qu’il ferait appel de cette condamnation.
Au terme d’un procès marathon, ouvert depuis le 25 avril, les jurés ont donc suivi les réquisitions de l’avocat général qui réclamait la peine maximale contre le « routard du crime » pour les meurtres de Cyril Beining et Alexandre Beckrich, tous deux âgés de 8 ans, retrouvés morts, le crâne enfoncé à coups de pierre, le 28 septembre 1986.
Dans un réquisitoire d’un peu plus de deux heures, plus tôt dans la journée, le parquet général a exhorté les jurés à ne pas s’attacher au manque d’aveux ou de preuves dans ce dossier de 30 ans, qui connut l’une des plus grandes erreurs judiciaires françaises : la condamnation en 1989 de Patrick Dils, 16 ans à l’époque, acquitté 15 ans plus tard. Les avocats généraux Jean-Marie Beney et Brigitte Harmand-Colette ont demandé aux jurés de prendre en compte le faisceau de présomptions à l’encontre de Heaulme, qui a toujours nié le double meurtre. « Francis Heaulme vous dit ‘Montigny, c’est pas moi’. Par votre juste verdict, vous lui direz ‘Alexandre c’est vous, Cyril c’est vous' », ont-ils martelé.
Puis, les trois avocats de la défense ont à leur tour exhorté les jurés : « Ne condamnez pas sur des probabilités, ne reproduisez pas le fiasco ». « Que s’est-il passé le 28 septembre 1986 ? C’est LA question à laquelle vous devez répondre. Cette question est précise : ce n’est pas ‘que s’est-il peut-être passé’. Parce que dans ce dossier, il n’y a plus de place pour les approximations, plus de place pour les à-peu-près, pour les suppositions ». Dernier à prendre la parole, Me Stéphane Giuranna a patiemment déconstruit le « puzzle » bâti par l’accusation, insistant sur l’absence totale de preuves. « Quand on a dit ça, il reste quoi ? Il reste le puzzle, la construction de l’accusation. Elle ne repose sur rien », a-t-il dit. « Quand vous construisez un raisonnement sur aucune preuve matérielle, ça veut dire que c’est du sable, que c’est tout mou, que ça va s’effondrer à tout moment ».
« Ne refaites pas un nouveau fiasco judiciaire »
Un par un, Me Giuranna a repris les éléments à charge contre son client. « On nous dit que c’était violent », signe de la « quasi-signature criminelle de Heaulme » ? « Un crime, par définition, c’est violent ». « Il connaît les lieux », parce qu’il travaillait à quelques centaines de mètres ? « Et alors ? Ça fait de lui un coupable ? » Puis Me Giuranna, l’attention des jurés concentrée sur lui, a pris une image : « On avait un soulier de Cendrillon, et le coupable il fallait qu’il ait le pied qui rentre dedans. Alors parfois, on y va au chausse-pied. On le tord, mais ça ne rentre pas. Alors comment on fait ? On truque. Comment ? En oubliant des pièces du puzzle ».
Et de tendre aux jurés la possibilité d’un coupable de substitution. Un homme blond, dans une voiture claire, qui revient dans plusieurs témoignages. Six personnes ont vu cette voiture, une 4L ou une Fiat Punto, selon les témoignages, garée en bas du talus de Montigny. Et un témoin, dès décembre 1986, a vu au volant d’une voiture claire un homme blond, qui lui faisait peur. Un homme blond, comme celui qu’un autre témoin a affirmé avoir vu, un peu plus loin, taché de sang.
Au terme d’une heure de plaidoirie, Me Giuranna l’a répété : il ne sait pas ce qui s’est passé sur ce talus. Cette question, « je veux qu’elle vous hante pendant tout votre délibéré. Si vous n’avez pas de réponse, votez non. Ne refaites pas un nouveau fiasco judiciaire. Votez non, ça rendra justice à la justice ».
Juste avant que le jury se retire pour délibérer, Francis Heaulme s’est levé dans le box, et a prononcé une phrase, une seule. A laquelle il s’accroche depuis le 25 avril. « Montigny, c’est pas moi ! ».
Le Quotidien/AFP
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