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Procès des anti-Bure : la défense étrille le juge d’instruction


Les prévenus sont poursuivis pour association de malfaiteurs pour avoir organisé une "manifestation illicite" en 2017, détention d'engins incendiaires, ou violences volontaires sur les forces de l'ordre. (archives AFP)

Le juge d’instruction Kevin le Fur a croisé le fer mercredi avec la défense, au deuxième jour du procès de sept opposants au projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure.

Au cœur des débats, devant le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc : l’impartialité du magistrat et la débauche de moyens déployés pour les besoins de son enquête. Soumis au feu roulant des avocats, le juge a été interrogé pendant près d’une heure et demi sur les 180 pages de son ordonnance de renvoi.

Tour à tour, les défenseurs des sept prévenus ont tenté de lui arracher des précisions sur le coût de cette instruction, de possibles « conflits d’intérêts » ou des erreurs dans cette ordonnance. Le ton est parfois acerbe.

« J’ai lu avec intérêt un procès-verbal de remise de scellés où il est indiqué que vous en remettez un certain nombre aux enquêteurs spécialisés de la DGSI (le renseignement intérieur, NDLR) », relève Me Muriel Ruef.
– Je ne peux pas m’exprimer sur le sujet, en raison du secret de l’enquête.
– Vous gardez le silence Monsieur le juge ?
– Pourquoi, je suis prévenu ?

« Dès que nous vous posons des questions sur cette ordonnance, vous dites que vous ne souhaitez pas la commenter », déplore à son tour Me Florian Régley.

Dispositif d’écoute « totalement disproportionné »

Dans le collimateur de la défense aussi : le recours à des dispositifs (IMSI-catchers) permettant d’intercepter toutes les télécommunications mobiles dans un périmètre donné, autorisé depuis une loi sur le renseignement votée dans la foulée des attentats djihadistes de 2015 à Paris. « Il y a une autre partie de votre dossier où les écoutes entre avocats et clients sont évoquées. Il s’agit d’échanges de SMS entre une personne prévenue et plusieurs avocats. Rassurez-moi, vous savez que les conversations entre un avocat et son client sont confidentielles ? », interroge Me Norma Jullien-Cravotta. « Il ne s’agit pas d’interceptions téléphoniques mais de l’exploitation d’un scellé », réplique Kevin le Fur qui se défend d’une quelconque violation du code de procédure pénale.

Citée par la défense, l’historienne et politologue Vanessa Codaccioni a également dénoncé le recours aux IMSI-catchers dans cette affaire. « C’est totalement disproportionné. Cela illustre parfaitement ce procédé qui vise à utiliser contre des militants écologistes des dispositifs d’exception visant des ennemis précis », regrette l’auteure de Justice d’exception, l’État face aux crimes politiques terroristes (CNRS Éditions, 2015).

Les prévenus restent muets

Dans la matinée, le président du tribunal Sylvain Roux avait dressé la personnalité des sept prévenus, quatre hommes et trois femmes. Mais ceux-ci faisant valoir leur droit au silence, il a dû se résoudre à suspendre les débats en attendant les auditions des témoins, programmées dans l’après-midi. Le procès avait déjà été suspendu mardi après-midi quand les prévenus et la plupart de leurs avocats avaient déserté l’audience pour rejoindre quelque 400 manifestants anti-Cigéo dans les rues de Bar-le-Duc.

Trois prévenus répondent d’association de malfaiteurs pour avoir organisé une « manifestation illicite », le 15 août 2017, mais aussi de « participation à un attroupement après les sommations de dispersion » et détention de « substances ou produits incendiaires ». Trois autres comparaissent pour la seule détention d’engins incendiaires. Et un septième est jugé pour avoir, au cours de cette même manifestation, « exercé volontairement des violences » sur des gendarmes, violences n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail.

Tous sont farouchement opposés au projet de stockage Cigéo, à près de 500 mètres de profondeur et à partir de 2035, de quelque 85 000 m3 de déchets nucléaires hautement radioactifs sous la campagne de Bure, un projet conduit par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

L’audience doit se poursuivre jusqu’à jeudi.

LQ/AFP