Poursuivi pour la gestion irrégulière de ses déchets dans l’affaire de la pollution du crassier de Hayange, ArcelorMittal devra s’expliquer devant le tribunal de Thionville, le 27 mai. Des sanctions sont espérées par les acteurs politiques locaux mais aussi par Karim Ben Ali, l’homme par qui le scandale a éclaté.
À l’annonce des conclusions de l’enquête préliminaire en septembre 2018, le parquet de Thionville avait semblé souffler le chaud et le froid. Plus d’un an après les révélations faites par Karim Ben Ali, en juin 2017, sur de présumés déversements d’acide sur le crassier de Hayange, il avait conclu à l’absence d’atteinte à l’environnement et de pollution.
Mais dans le même temps, le parquet décidait de poursuivre l’industriel pour la gestion irrégulière de ses déchets. Une peine passible de deux ans de prison et 75000 euros d’amende. Car s’il ne s’agissait pas d’acide pur, le liquide déversé sur le crassier en décembre 2016 (mélange d’eaux usées avec un peu d’acide chlorhydrique), n’avait rien à faire là.
Un homme contre un géant
Karim Ben Ali, le lanceur d’alerte par qui tout est parti, n’avait pas menti. Durant toute la durée de l’enquête, ses propos n’ont jamais dévié. «Je sais ce que j’ai fait», a-t-il martelé pendant des mois. Et si le parquet a conclu que les eaux usées ne présentaient pas «d’écotoxicité», Karim porte bien les stigmates de cet épisode douloureux.
Soigné pour des problèmes oculaires qu’il attribue aux vapeurs toxiques, c’est son état psychologique qui s’est le plus délité au fil du temps. «Si c’était à refaire, je me tairais sûrement», avait-il lâché en janvier 2018, broyé par la machine médiatico-judiciaire. Il sera dans la salle lundi, mais il ne se fait guère d’illusions sur l’issue du procès : «Qui fera les deux ans de prison? Moi j’ai eu deux ans d’enfer. J’espère que des têtes vont tomber, ce serait déjà pas mal. Mais si les petits trinquent, les grands ne tombent jamais», déplore-t-il.
Une autre victime assistera aux débats. La communauté d’agglomération du Val de Fensch (CAVF) a fait savoir qu’elle se constituerait probablement partie civile. «Pendant longtemps, ArcelorMittal a indiqué être étranger à toute pollution, mais l’enquête montre qu’il y a des choses contestables», souffle son président, Michel Liebgott.
Des questions en suspens
Le procès devra déterminer le degré d’implication d’ArcelorMittal dans ces déversements irréguliers sur le crassier. Il devra aussi expliquer comment un sous-traitant a pu se retrouver seul au volant d’un camion contenant un produit toxique sans y avoir été formé. «Nous sommes impatients d’avoir toutes les conclusions de cette affaire», lâche Rémy Dick, le maire de Florange. Un sentiment partagé par beaucoup, dans la vallée de la Fensch.
Damien Golini/RL