Il avait presque disparu il y a 35 ans, mais, depuis quelques années, le vignoble messin se réveille sous l’impulsion de vignerons audacieux. Tant mieux, car la vigne a ici aussi une longue histoire.
L’âme du pays messin
Metz, une ville de vin? Il ne faut pas exagérer, nous ne sommes pas à Beaune, Épernay ou Saint-Émilion! Mais en 1850, la situation était vraiment tout autre.
Si, aujourd’hui, l’AOC Moselle représente 170 hectares plantés sur 46 kilomètres (16 vignerons, 350 000 bouteilles par an), il y a 170 ans (à l’époque de sa superficie maximale), ce sont près de 40 000 hectares qui étaient travaillés, essentiellement sur les versants des cuestas lorraines (Côtes de Meuse, Côtes de Moselle…) : plus que la Bourgogne ou la Champagne actuelles!
Mais à la fin du XIXe siècle, le vent tourne. La concurrence des vins du Sud qui viennent par le train, la guerre de 1870 et ses conséquences aussi territoriales qu’économiques (les raisins sont transformés en Sekt, le mousseux allemand) et un contexte de surproduction générale entraînent un déclin brutal.
La perte des débouchés champenois en 1908 (dû à la fixation de l’aire de l’appellation) puis du marché allemand en 1919, couplée à la concurrence d’autres activités plus lucratives (sidérurgie, chemin de fer…), à un exode rural marqué (vers Metz et Thionville) et aux ravages du phylloxera achèvent de marginaliser la viticulture dans la région.
En 1956, les vins de Moselle sont classés en VDQS (Vins délimités de qualité supérieure), mais les vignes du pays messin ne se développent pas aussi vite que celles de Toul. En 1986, il n’y a plus que 10 hectares en production. La création de l’Appellation d’origine contrôlée «Moselle» en 2011 est, par contre, décisive.
Le vignoble messin renaît enfin et s’offre une identité bien distincte du Toulois, où prédomine le vin gris. Ici, le blanc est roi. L’auxerrois, cépage local puisque créé par des agronomes à la station de Laquenexy, est majoritaire. Il est suivi par le gewurztraminer, le müller-thurgau (rivaner), le riesling et les pinots (blanc, gris et noir).
Il est intéressant de constater que la régénérescence du vignoble est ici souvent le fait d’une génération spontanée de vignerons, parfois venus d’ailleurs et souvent d’autres horizons professionnels. Les ouvriers-vignerons du passé n’existent plus. Compte tenu des quantités produites, les nouveaux producteurs s’inscrivent dans un réseau de proximité et misent beaucoup sur l’accueil de la clientèle au domaine. Il faut noter que beaucoup de vignerons sont des vigneronnes, ce qui n’est pas si fréquent!
Si la grande Lorraine vigneronne appartient sans doute au passé, le vignoble lorrain a un bel avenir. Avec ces acteurs motivés, très souvent engagés dans une viticulture respectueuse de l’environnement et des débouchés locaux qui absorbent toute la production, l’avenir lui sourit!
Les incontournables
Le site sur lequel est posé le village de Vaux (798 habitants) est occupé depuis la Préhistoire. La première mention de son nom (Vallis) a été découverte dans une charte datée de 821 ap. J.-C. Le village a été fortifié au Moyen Âge, une partie du mur d’enceinte et trois portes, ainsi que l’église-donjon Saint-Rémy en témoigne. La vigne était plantée ici depuis l’Antiquité, mais elle s’est éteinte à la moitié du XXe siècle.
Il faudra attendre que Norbert Molozay replante trois hectares en 1999 pour que la production reprenne. Aujourd’hui, avec son épouse Marie-Geneviève, ils travaillent 14 hectares. Le couple vient d’inaugurer son nouveau chai dans les anciennes caves de l’armée du château de Vaux (sur la commune voisine de Scy-Chazelles), rebaptisé Villa Chazelles.
Scy-Chazelles partage le même ancrage dans le temps que son voisin, Vaux. Des vestiges d’aqueducs romains enterrés parcourent ainsi le sous-sol de la commune. La partie haute du village se caractérise par des rues étroites, des maisons accolées et des fontaines. Plus bas, on retrouve la maison où vécut Robert Schuman, père fondateur de l’Europe né à Luxembourg (1886-1963).
À l’image de beaucoup de vignes historiques du pays messin, nombre de parcelles ont ici été développées par l’archevêché de Metz au Moyen Âge. Scy-Chazelles est dominée par le mont Saint-Quentin (358 m d’altitude, 180 m plus haut que la Moselle) où ont été installés un observatoire, un télégraphe de Chappe (1793) et l’armée à partir de 1864.
Le coin à découvrir
Et pourquoi suivre le concept de Via mosel’ à la lettre… en naviguant paisiblement sur le fleuve? Au départ du quai des Régates, à Metz, la société Metz-Bateau-Solaire (www.metz-bateau-solaire.com) propose des sorties pour découvrir les différents bras de la Moselle, en glissant entre les îles et en se faufilant sous les ponts de la ville jaune.
Fin du fin, l’opérateur propose même une option «Apéritif sur l’eau» avec dégustation de vins de Moselle et de produits du terroir au soleil couchant. Une idée particulièrement alléchante qui permet de découvert le patrimoine historique et viticole conjointement, dans un environnement idéal pour garnir l’armoire à bons souvenirs! D’autant que nous sommes ici loin du tourisme de masse, la capacité du Solis n’est que de onze personnes.
Erwan Nonet
Dans le répertoire de Via mosel’
Les villages viticoles
Le pays messin : les vignes ayant disparu au milieu du XXe siècle, il ne faut pas s’attendre à un patrimoine flamboyant. Ici, ce qui importe, c’est de voir comment les vignes reprennent leurs places sur les coteaux les mieux exposés. Lorry-Mardigny, Vaux, Scy-Chazelles et les autres villages vignerons sont humbles, mais se laissent volontiers découvrir.
Les domaines viticoles
Domaine Les Béliers, à Ancy-Dornot (52, route de Gorze) : si Ève Maurice est la vigneronne, c’est son père Maurice qui a planté les premiers ceps du domaine en 1983. Aujourd’hui, le domaine possède six hectares et produit essentiellement des blancs (müller-thurgau, auxerrois, pinot gris…) mais aussi des rouges (pinot noir et gamay).
Mais la grande actualité du domaine, c’est la construction d’une toute nouvelle structure qui abrite la cave, mais aussi deux chambres d’hôtes avec vue directe sur les vignes des coteaux de la Croix Saint-Clément, qui se trouve au pas de la porte!
L’auteur remercie Valentine Vernier (Inspire Metz)
Via mosel’ sur le web
Créé par Terroir Moselle, Via mosel’ est un concept transfrontalier qui embrasse toute la rivière, de sa source dans les Vosges jusqu’à sa confluence avec le Rhin, à Coblence. L’objectif est double. Il vise à mettre en valeur le patrimoine sous le thème «Vins et architecture». Plus de 60 domaines et 40 villages ont déjà intégré ce programme. Souligner l’intérêt touristique de la Moselle et de ses vins permettra aussi de développer le commerce des vins dans la Grande Région. Aider les vignerons à faciliter les ventes au-delà des frontières nationales en simplifiant les démarches administratives est le deuxième volet de Via mosel’, certainement pas le plus simple!
Grâce à une carte interactive disponible sur www.viamosel.com, tous les sites référencés peuvent être facilement repérés. Les informations pratiques et des descriptions de lieux y sont disponibles en français, anglais et allemand.