Murielle Bolle, placée en garde à vue mercredi, fut à l’origine de l’arrestation du premier suspect – son beau-frère Bernard Laroche- de l’assassinat de Grégory en livrant un témoignage accablant, avant de se rétracter de façon stupéfiante. Récit de l’épisode qui a fait basculer l’affaire il y a près de 33 ans.
Murielle Bolle a 15 ans lorsqu’elle est entendue une première fois par les gendarmes, deux semaines après qu’on ait retrouvé le garçonnet de 4 ans pieds et poings liés dans la Vologne le 16 octobre 1984. Ce jour-là, elle dit avoir croisé son beau-frère, Bernard Laroche, chez une tante où elle faisait ses devoirs. Une version qui ne colle pas avec d’autres témoignages et les enquêteurs ré-entendent l’adolescente le lendemain.
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Coup de théâtre : elle reconnaît avoir menti et serait en fait montée en voiture avec Bernard Laroche, venu la chercher à la sortie du collège. Dans la Peugeot 305 gris-vert se trouvait aussi le fils de Laroche, Sébastien -âgé de 4 ans comme Grégory-, assure Murielle. Ils seraient passés prendre le petit garçon qu’elle jure n’avoir jamais vu auparavant. Son beau-frère se serait arrêté cinq minutes plus tard et serait sorti avec la petite victime, avant de revenir seul.
De la confession spontanée…
Placée en garde à vue, la jeune fille précise avoir cru que son beau-frère déposait l’enfant chez un ami de la famille et confie son soulagement d’avoir dit la vérité « car c’était une chose trop grave pour la cacher ». Deux jours plus tard, le lundi 5 novembre 1984, elle confirme ses propos devant le juge Lambert, qui inculpe dans la foulée pour assassinat Bernard Laroche, cousin du père de Grégory (Jean-Marie Villemin). Et, fait totalement surréaliste, le juge Lambert livre devant la presse des éléments du témoignage accablant de Murielle Bolle.
Il a suffi d’une nuit pour que tout bascule. Dès le lendemain, la jeune fille revient au tribunal encadrée par sa famille et opère un revirement spectaculaire. Elle déclare que les gendarmes ont menacé de la mettre en maison de correction et de l’inculper pour complicité, si elle n’acceptait pas d’accuser son beau-frère. Un médecin l’ayant examinée en garde à vue l’avait pourtant décrite comme souriante et détendue. Il lui avait demandé de décrire l’attitude des gendarmes et elle avait répondu : « vachement sympas », comme le mentionne l’arrêt de 1993 de la cour d’appel de Dijon innocentant Christine Villemin.
…à la leçon durement apprise
Le greffier du juge Lambert dira plus tard que sa rétractation n’avait plus la spontanéité de la veille et que l’adolescente semblait réciter une leçon. Durement apprise. Les enquêteurs ont pu établir qu’elle avait été « malmenée » à son retour dans sa famille, au soir du 5 novembre. Des voisins affirmeront avoir entendu des cris venant du domicile des Bolle. L’ado aurait pris une rouste mémorable et passé la nuit enfermée dans une grange attenante.
Mais Murielle a toujours campé, depuis, sur sa position. Libéré en février 1985, Bernard Laroche est abattu fin mars d’un coup de fusil par Jean-Marie Villemin, convaincu de sa culpabilité.
Au cours des investigations passées, les enquêteurs ont exploré une piste selon laquelle Murielle Bolle aurait pu prendre une part active à l’enlèvement de Grégory, en lui injectant notamment une dose d’insuline pour le plonger dans le coma. Sa mère Jeannine Bolle, atteinte de diabète, recevait en effet des injections quotidiennes d’insuline dont elle avait des flacons à domicile et des seringues. Or, un flacon et une seringue avaient justement été découverts à proximité du lieu où l’enfant a pu être jeté dans la Vologne. Mais en 1993, la cour d’appel de Dijon avait jugé « en l’état impossible » d’inculper Murielle Bolle, relevant qu’une « intention criminelle » semblait exclue.
L’ado de 15 ans est aujourd’hui une femme de 48 ans, placée en garde à vue mercredi par les gendarmes de la section de recherche de Dijon. Ses parents sont décédés, le reste des acteurs potentiellement impliqués dans l’affaire très âgés, voire malades. Ou sous contrôle judiciaire, en ce qui concerne les époux Jacob -incarcérés provisoirement puis relâchés mercredi dernier- suspectés d’être les corbeaux qui harcelaient les Villemin.
L’ado sous emprise est désormais une femme libre de parler. Dira-t-elle enfin sa vérité ?
Affaire Grégory: Murielle Bolle, un témoin clé en garde à vue https://t.co/bZMZkDmcya par @Cbouissou & @CorpusculO #AFP pic.twitter.com/hfZb5WR5IP
— Agence France-Presse (@afpfr) 28 juin 2017
Le Quotidien/AFP
Entendue pour des faits de « complicité d’assassinat »
Murielle Bolle est entendue « essentiellement pour complicité d’assassinat, non-dénonciation de crime. Je crois qu’il y a non-assistance à personne en danger (…), qualifications qui sont à la périphérie immédiate de ce qui s’est passé » le 16 octobre 1984, a déclaré mercredi son avocat, Me Jean-Paul Teissonniere.
La garde à vue se terminera légalement jeudi en milieu de journée, car elle est une prolongation de la première garde à vue commencée il y a 33 ans. Les gendarmes disposaient en effet d’un reliquat de 25 heures.