Après l’annulation de l’élection municipale de 2014 par le Conseil d’État, les Thionvillois revotent dimanche. Et la ville est plus divisée que jamais…
Souvenez-vous de l’album d’Astérix Le Grand Fossé, l’histoire d’un village divisé par une immense tranchée. Ceux de droite détestent ceux de gauche, et inversement. Eh bien, on pourrait inviter Albert Uderzo à venir faire un petit tour à Thionville ces jours-ci. Il verrait que la réalité rattrape parfois la fiction…
Car, à quelques heures du premier tour de l’élection municipale, organisée suite à l’annulation du scrutin de l’an dernier, la deuxième ville de Moselle est plus divisée que jamais. D’un côté, il y a les supporters d’Anne Grommerch (LR, ex-UMP). De l’autre, ceux de Bertrand Mertz (PS).
«Cette campagne est à la fois courte et longue, soupire Guy Harau, le conseiller régional écologiste, colistier de Bertrand Mertz. Courte parce que nous avons eu très peu de temps pour faire passer nos messages. Et longue parce que le climat est très pesant, malsain même.» Un exemple, parmi d’autres, vécu par l’intéressé il y a quelques jours : «J’étais à l’assemblée générale des arboriculteurs de la Moselle. En tant que représentant de la Région, j’étais, avec huit autres personnes, à la table des officiels. Quand Anne Grommerch est arrivée, elle a salué tout le monde, sauf moi.»
«C’est vrai, je ne salue plus aucun membre de l’équipe de Bertrand Mertz, admet Anne Grommerch. J’ai une excellente éducation, mais elle a des limites. Je ne veux plus dire bonjour à des gens qui passent leur temps à me salir, à mentir et raconter des horreurs sur moi. C’est devenu insupportable.»
La fameuse enquête sur les procurations douteuses lors du scrutin invalidé, qui s’est accélérée au cours de la campagne, a largement contribué à alourdir la chape de plomb qui pèse aujourd’hui sur la ville. Aux extraits de presse diffusés dans toute la ville par Bertrand Mertz, Anne Grommerch a répondu par plusieurs plaintes pour diffamation.
Cette détestation mutuelle s’exprime dans tous les segments de la ville. Avec une constante dans les deux camps : ou tu es avec, ou tu es contre moi.
Tensions sur les réseaux sociaux
La tension est encore plus aigüe sur les réseaux sociaux. Les murs Facebook des Thionvillois sont saturés de messages colportant des contre-vérités ou accusations en tous genres. «J’ai décidé de ne plus aller sur Facebook jusqu’à la fin de la campagne, raconte une commerçante thionvilloise. Je n’en peux plus de tout ça…»
Dans les programmes des deux candidats, nous avons pourtant identifié plus de points communs que de différences. Ils s’opposent toutefois sur des sujets fondamentaux, comme l’avenir du 3e Lieu, nouvel espace culturel actuellement en construction, ou la rénovation des équipements sportifs de la ville. Mais ce qui les différencie par-dessus tout, c’est le style. Lui intellectualise beaucoup et aime prendre de la hauteur. Elle, a pour devise, «action-réaction». Incompatibles.
Dans ce climat, difficile de prédire ce qui sortira des urnes dimanche. La surprise sera peut-être où on ne l’attend pas. Car pendant que la droite et la gauche s’envoient des tomates à la figure, d’autres candidats comptent les points, bien à l’abri. «Mertz/Grommerch, les gens n’en peuvent plus, témoigne Hervé Hoff, le candidat du FN. Tout cela les dégoûte de la politique. Ils sont aujourd’hui prêts à voter pour nous.» Deux autres listes, menées par Lutte ouvrière et le Front de gauche pourraient aussi grignoter un bon paquet de voix à gauche et peser sur le résultat final.
Quel que soit le gagnant, il devra sans attendre engager un chantier difficile mais capital : le comblement du grand fossé.
Anthony Villeneuve (Le Républicain Lorrain)