12° sous abri un 22 décembre : allez trouver un citadin qui se plaigne de cette douceur exceptionnelle. Du côté du monde paysan en revanche, ce n’est pas la même musique. Clairement : le manque de gel est un problème.
Des prunus en fleur fin décembre – comme observé dans de nombreuses villes du nord mosellan ces derniers jours – avouons que c’est joli. Mais pas besoin d’être un expert pour penser que ça fait quand même légèrement désordre sur le calendrier des saisons.
À la campagne, les signaux d’une météo déboussolée sont aussi en alerte : par ici des pâquerettes dans les champs ; par là des noisetiers sur le point d’éclore ; ailleurs des nuées de moustiques jugeant le climat décidément trop agréable pour mourir… Le monde paysan dans tout ça n’est pas loin d’y perdre son latin.
Pas de dormance
Prenons le cas des emblématiques mirabelliers. « À votre avis, pourquoi ne poussent-ils pas dans le sud de la France ? », questionne Gaby Lang, arboriculteur à Gandren. « Parce qu’il y fait trop chaud ! C’est un arbre qui a besoin de dormance : entre 1 200 et 1 400 heures de froid par an. Je ne dis pas qu’il doit geler à -20° mais disons qu’il faudrait que le baromètre descende en dessous de 5° », On en est loin.
Le risque majeur ? Celui d’une récolte plus que moyenne l’été prochain dans l’hypothèse d’un coup de gel au printemps sur les petits fruits.
À Rettel, Norbert Handrick est aussi de ceux qui attendent l’hiver. Le vrai, « froid et sec. C’est l’idéal pour les variétés de nos cultures ». Ses fraisiers par exemple ont besoin d’une coupure dans la saison afin que les bourgeons soient au rendez-vous aux beaux jours. Idem pour l’ail : « On a besoin de froid pour que les cayeux plantés cet automne se divisent ». En l’absence de basses températures, toujours le même risque : celui d’une récolte moins belle.
Dans la vallée de la Canner, Jean-Luc le céréalier observe le niveau des végétaux pousser, pousser. « Normalement, le froid stoppe la croissance des plantes. C’est normal, il ne faut pas brusquer les choses ». Mais cette fois rien ne se passe comme d’habitude.
Comme beaucoup, il craint le coup de gel de janvier-février qui serait forcément dévastateur. « Sans couche de neige pour protéger les végétaux, le risque majeur c’est que le gel les brûle ».
Et si l’hiver ne passe décidément pas par la Lorraine en 2016, les gelées printanières ne sont pas meilleures car elles peuvent donner des épis de blés stériles.
Comme il y a quatre ans
D’une manière générale, les céréaliers craignent que l’histoire ne bégaie. Pour ceux qui l’auraient oublié, André Ermann rappelle « que l’on a connu une situation similaire en 2011-2012 : un hiver très doux et de fortes gelées en janvier-février. Cette année-là, j’ai dû ressemer 25 hectares. Ça a un coût : en heures de travail, en achat de semences, en gasoil ; sans compter tous les traitements d’automne réalisés pour rien ». Pour ce céréalier de Volstroff comme pour d’autres, le manque à gagner a été évident. Cette fois, rebelote ? « On verra bien mais que voulez-vous : au début, quand on s’installe, on angoisse à chaque saison. Avec le temps, on apprend à faire avec les aléas ».
Vous avez dit fataliste ? « Que voulez-vous : en agriculture, on se fait toujours avoir à un moment donné : soit en hiver, soit en été. Et si jamais une année se passe parfaitement bien, c’est la conjoncture qui n’y est pas ! ». La météo a bon dos.
C. F. (Le Républicain lorrain)