Ce mardi matin, lors d’une réunion du CSE (comité social et économique) de Smart France, Grégoire Lemonnier, DRH du site, a annoncé aux représentants syndicaux qu’Ineos Automotive s’était mis sur les rangs pour racheter le site Smartville.
Tout semble aller très vite du côté de Smartville. Après l’annonce faite par Daimler vendredi dernier de mettre le site industriel en vente (1 600 emplois), on apprend qu’un premier repreneur potentiel serait intéressé. Denis Weintz, secrétaire du CSE Smart, a obtenu lundi soir la tenue d’une réunion du comité social et économique européen du groupe Daimler ce mardi après-midi. Cette consultation a été rendue possible grâce au président du CSE monde qui siège au sein du conseil d’administration du groupe Daimler. Plusieurs représentants syndicaux de l’ensemble des sites Mercedes doivent y participer.
Et dans un communiqué, mardi soir, Ineos se dit en « discussions avancées » avec le géant allemand de l’automobile Daimler pour racheter son usine de Moselle à Hambach, où est fabriquée l’emblématique Smart. Il précise « mettre en suspend les travaux de ses sites du Pays de Galles et du Portugal » pendant ces tractations, d’après le communiqué mardi. Une volte-face spectaculaire qui a immédiatement déclenché la « colère » du syndicat britannique Unite qui parle de « trahison ».
Un porte-parole de Daimler a confirmé à qu' »Ineos Automotive peut être un acheteur potentiel, et que nous allons mener des discussions ». « Ineos Automotive examine sa stratégie de fabrication pour le nouveau Grenadier au regard de la pandémie de Covid-19 qui a retardé ses plans » mais se trouve « face à de nouvelles opportunités en termes de structures existantes qui n’étaient auparavant pas disponibles », justifie le groupe britannique.
Daimler avait créé la consternation en France la semaine dernière en annonçant son intention de vendre le site de la Smart à Hambach, qui emploie quelque 1 500 salariés. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire avait appelé le constructeur à « garder toutes les options ouvertes ».
« Un moteur diesel, ça ne colle pas avec l’image du site »
Le Grenadier, dont le design a été dévoilé en grandes pompes la semaine dernière, est un pari de diversification pour un groupe longtemps resté discret mais tenté désormais de se faire un nom auprès du grand public. Ineos investit environ 1 milliard de livres dans le lancement de ce 4×4, alors que le secteur automobile traverse une grave crise. La production du véhicule devait débuter dans le courant de l’année prochaine dans l’usine de Bridgend au pays de Galles. C’est justement dans cette ville que Ford doit fermer cette année une usine de moteurs qui emploie 1 700 personnes. Le châssis devait quant à lui être fabriqué au pays de Galles.
Le syndicat Unite a vivement réagi : « si Ineos revient sur son engagement d’assembler le Grenadier à Bridgend, toute prétention du groupe à s’engager en faveur du Royaume-Uni sera jetée par la fenêtre ». Il rappelle dans un communiqué que « Jim Radcliffe a publiquement soutenu le Brexit et affirmé que le pays prospèrerait hors de l’Union européenne ». Unite appelle donc Ratcliffe à « suivre sa propre rhétorique et construire le Grenadier au Royaume-Uni. Tout autre décision ne serait qu’une trahison ».
D’après des informations de presse, Ratcliffe aurait par ailleurs déménagé à Monaco en février 2019 pour éviter de pays des taxes sur sa fortune au Royaume-Uni. Les réactions en France étaient de leur côté frileuses. « On nous a annoncé un repreneur potentiel, on a un nom, c’est tout. Ce qu’il faut savoir, c’est son projet, s’il va garder tout le monde, dans quelles conditions, à partir de quand, si Ineos s’engage à continuer les Smart qu’on doit fabriquer jusqu’en 2022-2023 », a commenté Mario Mutzette, délégué CFE-CGC. « S’il vient avec un 4X4 électrique tant mieux, mais s’il vient avec un Grenadier, avec un moteur diesel, ça ne colle pas avec l’image du site de Hambach, qui est une vitrine écologique avec des modèles électriques », a-t-il ajouté.
Le groupe avait confirmé la semaine dernière qu’il prévoyait un modèle à essence pour l’instant. « Il faut éviter la casse sociale, il faut que le site vive, il ne faut pas le détruire. Daimler nous a trahis comme jamais, on est méfiants », insiste Mario Mutzette. Les syndicats espèrent avoir plus de détails lors du comité social et économique jeudi à 11 h.
De leur côté, trois députés de Moselle avaient dit avant l’annonce d’Ineos vouloir appeler Emmanuel Macron à « intervenir auprès du groupe Daimler ainsi que de la chancelière allemande, Angela Merkel » pour trouver un repreneur pour le site d’Hambach.
Le Républicain lorrain/AFP/LQ