Des traducteurs, des médecins et des agents de la préfecture sont soupçonnés d’avoir orchestré un trafic d’aide aux séjours irréguliers d’Albanais et Kosovars, dans le secteur de Metz. Au total, quatorze personnes ont été interpellées lundi par les forces de l’ordre.
Il est possible de faire commerce de la misère humaine. De gagner de l’argent sur le dos des demandeurs d’asile qui s’amassent régulièrement en Moselle, dans le secteur messin en particulier. En leur tendant la main, certains y auraient trouvé leur compte…
Le Républicain Lorrain l’a révélé mardi : après un an d’enquête, de surveillances techniques et physiques, la police aux frontières et le Groupe d’intervention régional ont placé, lundi matin, quatorze personnes en garde à vue. Elles sont soupçonnées d’avoir monté un trafic d’aide aux séjours irréguliers et d’extorsion de fonds en bande organisée de ressortissants albanais et kosovars, selon les qualifications de l’information judiciaire ouverte au cabinet du doyen des juges d’instruction messin, Jean-Marie Caronna.
Les enquêteurs de la brigade mobile de recherche zonale auraient mis au jour une organisation huilée où tous les rouages se sont parfaitement imbriqués. Ces différentes compétences auraient produit une machine à but lucratif « dont on cherche à déterminer précisément l’importance », dit une source.
Des soins psy pour toute la famille…
Tout en haut du système, les hommes de la PAF ont placé trois interprètes, originaires d’Albanie, œuvrant dans différentes associations d’aide aux demandeurs d’asile, et intervenant régulièrement au tribunal. Soupçonnées d’être les inspiratrices du trafic, elles auraient signé des attestations d’accueil – appelées avant 2015 attestations d’hébergement – pour faire venir des familles sur le sol français.
Elles les auraient ensuite guidées dans leurs dossiers administratifs de demande d’asile, en leur conseillant d’engager des démarches afin d’obtenir un titre de séjour pour raisons médicales. Les interprètes avaient leurs petites habitudes dans le milieu médical messin pour faciliter la chose…
C’est là que se situe le deuxième niveau du réseau : les forces de l’ordre ont interpellé lundi quatre médecins qui se montraient apparemment arrangeants avec les demandeurs d’asile. Leurs noms se retrouvent sur les ordonnances avec une étonnante régularité. Le volume des consultations d’étrangers intrigue particulièrement la justice. Parmi ces spécialistes : trois psychiatres. « Il y a pénurie dans ce domaine en Albanie et au Kosovo. L’impératif de soins psychiatriques pouvait faciliter l’obtention de documents. » Parfois, tous les membres d’une famille devaient en bénéficier.
Dernier rouage : des agents de la préfecture de la Moselle. Deux ont été placés en garde à vue, et interrogés sur leurs liens supposés avec au moins deux traductrices. Éloignés des postes à responsabilité, ces agents – l’un a été remis en liberté mardi soir – sont soupçonnés d’avoir fourni des informations sur la situation administrative des demandeurs d’asile. Sans que l’on sache aujourd’hui combien de titres de séjour ont été délivrés sur la base de fausses informations médicales. Cela va être un enjeu de la suite des investigations. « C’est ce qui est pervers dans ce montage car il n’y a pas forcément de titre de séjour au bout du chemin pour ces gens, ces familles, qui ont pourtant payé dans l’espoir de rester en France », confie une source.
Cette aide fournie aux étrangers avait bien sûr un prix que cette population rechigne rarement à payer. Après les passeurs, elle a dû s’acquitter de sommes que les spécialistes financiers du Groupe d’intervention régional vont s’attacher à retracer. Les enquêteurs cherchent à lister le patrimoine de chaque mis en cause. D’après certaines indiscrétions, certains d’entre eux auraient payé des biens immobiliers rubis sur ongle.
Kevin Grethen (Le Républicain lorrain)