Directrice de trois agences de pompes funèbres, Fay Jacob exerce un « métier de l’ombre ». Les mesures sanitaires ont affecté tout un pan de son activité, réduite à ses aspects les plus élémentaires. En résulte l’impression d’un travail inachevé, que démentent les messages de sympathie.
Le Covid-19 a tout emporté. Ses habitudes, son entrain et même la fonction qu’elle attribuait au métier.
« On n’arrive plus à accompagner les personnes comme avant , on ne peut plus. Nous nous entretenons trente minutes pour choisir le cercueil, et c’est tout. On fait notre métier pour ce rôle d’accompagnement, et ça me manque beaucoup. On a l’impression de ne pas faire notre travail correctement », se désole Fay Jacob. Directrice de trois agences de pompes funèbres à Hayange, Florange et Thionville, elle a dû faire face, vaille que vaille, à la déferlante.
Live streaming des cérémonies
Plus de défunts, plus de familles à accueillir, mais moins d’outils pour mener à bien son activité. Les mesures de précaution prises dès le début de la crise (masques, gants, gel, plexiglas dans les agences), ont dépouillé son métier de ce qui compte le plus à ses yeux : l’humain. Réduite à ses aspects élémentaires – mise en bière, inhumation ou crémation – l’activité en a perdu son essence. Les live streaming de cérémonies, organisées via What’s App, ne comblent pas cette impression de vide.
À cela s’ajoutent des pertes de recettes liées à l’interdiction des cérémonies. « Certaines familles nous en veulent parce qu’ils pensent que c’est de notre faute », regrette-t-elle. Des mots parfois blessants, heureusement contrebalancés par de nombreux témoignages de sympathie : « C’est une agréable surprise. J’ai reçu des messages de soutien, SMS ou mails d’encouragement. C’est aussi plaisant qu’inattendu, même si on ne demande pas à être applaudis. »
Un personnel apeuré
En première ligne face à l’épidémie, les agences de pompes funèbres se sont adaptées. Certains ont dû faire face à la défection de son personnel. Fay Jacob doit composer sans la moitié de son équipe. « Ils ont eu peur. On reçoit quand même de la famille de défunts contaminés… » Les agences de la vallée de la Fensch reçoivent toujours du public. « Nous avons adapté les horaires. Désormais, on fixe des rendez-vous pour éviter que les gens ne se croisent. »
Fay Jacob se dit impatiente de retrouver la vie d’avant. Celle où son activité faisait encore sens, pour elle comme pour ses pairs.
Damien Golini (Le Républicain lorrain)