Autour de la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle), d’énormes tas de charbon, prêts pour l’hiver, côtoient, pour la première fois, un amas plus modeste de pellets de bois. L’usine prépare sa conversion à la biomasse.
Emmanuel Macron a annoncé fin septembre que la France sortirait du charbon « d’ici à 2027 », en convertissant les deux dernières centrales du pays à l’énergie renouvelable : « On doit sortir du charbon, c’est une énergie fossile et la plus polluante ». Le projet était dans les tuyaux depuis plusieurs années, rappelle Camille Jaffrelo, porte-parole de GazelEnergie, propriétaire de l’installation. Maintenant que le président de la République a fixé un cap, « on rouvre les cartons ».
Car la situation a longtemps été incertaine pour les quelque 150 salariés de la centrale : grosse émettrice de CO2, elle devait fermer en mars 2022. Mais entre guerre en Ukraine et déboires du parc nucléaire, elle a repris du service l’hiver dernier et va à nouveau jouer les prolongations l’hiver prochain.
GazelEnergie n’a pas attendu le feu vert du gouvernement, en août, pour prolonger le contrat de travail des salariés, qui devait prendre fin en avril dernier. Camille Jaffrelo l’assure, « tous » ont été prolongés.
« Un vrai pas en avant »
Sylvain Krebs, 47 ans, est responsable du parc charbon. Il explique que si les stocks vont permettre de « faire la saison », une nouveauté cette année est le tas de pellets, situé derrière lui : « C’est l’avenir (…) donc on va travailler dessus, on va regarder comment ils se comportent ».
Le stockage de ces petits morceaux de bois séché et torréfié sera particulièrement étudié, pour vérifier qu’ils sont bien hydrophobes, explique Antonin Arnoux, le directeur de la centrale.
Au total, 300 000 tonnes de charbon sont entreposées, et 500 tonnes de pellets : au long de l’hiver, leur combustion sera, elle aussi, testée par les employés. Le choix de ces pellets de bois, différents de ceux utilisés dans les habitations, s’explique par leurs propriétés, notamment calorifiques, qui sont très proches du charbon.
« C’est un vrai pas en avant », se réjouit Sylvain Krebs, selon qui, avec cette transition, « je ne suis plus un pollueur ». Au quotidien, le travail des employés ne sera pas modifié : « les compétences du personnel sont les mêmes », avec le charbon ou les pellets. Elles sont néanmoins rares et précieuses : il faut en moyenne un an et demi de formation.
Réindustrialisation
Les grues s’activent sur le site de Saint-Avold. Une chaudière biomasse, un stockage d’électricité sur batteries et une unité de production d’hydrogène renouvelable sont prévus, de sorte que le site devienne une « éco-plateforme de valorisation énergétique », selon GazelEnergie.
Ces projets permettent non seulement de générer de l’emploi, mais aussi de faire venir des usines. C’est « tout un territoire qui pousse » pour réindustrialiser ce site et le transformer, après que le charbon l’a fait vivre pendant deux siècles.
L’unique autre centrale à charbon de France encore en activité est située à Cordemais, en Loire-Atlantique. EDF, sollicité par l’AFP, a indiqué par courriel que « l’ambition industrielle pour (sa) décarbonation progressive (…) se déploie dès 2023 en proposant une production d’électricité moins carbonée grâce à l’utilisation de jusqu’à 20 % de biomasse en substitution du charbon ».
Tout en précisant « qu’une conversion totale à la biomasse d’ici 2027 nécessite de définir les modalités de régulation d’un tel fonctionnement ». En attendant, la centrale reste, selon RTE, « nécessaire pour la sécurisation de l’alimentation du Grand Ouest tant que (le réacteur nucléaire) de Flamanville n’a pas atteint son fonctionnement nominal ».
La production de ces deux centrales a représenté l’an passé 0,6 % du mix électrique français, largement dominé par l’énergie nucléaire.