Premier mode d’accueil en France, les assistantes maternelles tiennent un rôle tout particulier auprès des enfants dans leurs premières années. Elles évoquent l’importance et les limites de leur métier.
Je me souviens, un soir, être restée au téléphone avec un petit garçon tout au long du trajet du retour à la maison pour soulager une maman impuissante face aux pleurs de décharge de la fin de journée.» Marie n’est pas de la famille. N’a même jamais vu la chambre du garçonnet à l’épaisse chevelure sombre qui, de ses bras potelés, encercle sa cuisse en ce début de matinée. Marie est une assistante maternelle chevronnée qui exerce dans la banlieue messine. Le lien qu’elle a tissé avec chaque enfant a souvent dépassé le cadre. Elle le sait. Mais elle n’a jamais conçu son travail autrement. «Des mamans en détresse m’ont déjà appelée au moment du bain, par exemple, en me mettant sur haut-parleur.» Ces protégés le lui rendent bien. Rares sont ceux passés par chez elle dont elle n’a plus de nouvelles. Marie, un cas à part ?
Annick Millim, animatrice au Relais Petite Enfance de Hayange, prévient : «Un tel engagement peut rapidement mener au burn-out», dans une profession où «la frontière entre la vie professionnelle et la vie privée est poreuse parce que, justement, l’assistante maternelle travaille à domicile».
Chargée d’affectif, la relation avec le parent-employeur, «qui n’a, au passage, aucune formation», intervient Virginie Korn, responsable de ce même Relais Petite enfance, prend une dimension forcément singulière. «Ça peut être compliqué de devenir employeur lorsque l’on est soi-même salarié. Et avant tout parent.»
«Des appels à 4 h du matin»
Stéphanie, dix ans d’expérience à Hayange et tout aussi investie qu’elle soit, a appris à «se protéger» derrière «un cadre légal». «Quand on m’appelle à 4 h du matin pour me dire que l’enfant est malade, eh bien je réceptionne l’appel le matin. Mon portable est systématiquement en mode avion. Je fais 7 h-18 h 30, c’est déjà pas mal !» «C’est vrai qu’il faut savoir garder une certaine distance», réagit Amandine, qui exerce à Serémange. «On plonge dans l’intime, il faut trouver sa juste place : ne pas prendre le rôle de la maman, ne pas décider à sa place, mais poursuivre le cheminement des parents en accompagnant leur enfant.»
La profession s’adapte aux évolutions sociétales. «Aujourd’hui, observe Virginie Korn, les parents recherchent bien plus qu’un mode de garde traditionnel. Ils attendent des compétences spéciales, comme la communication gestuelle associée à la parole, des activités stimulantes. Une nounou musicienne, par exemple, c’est un plus. Ils tendent aussi à déléguer certains apprentissages, comme la propreté. On note aussi l’intérêt pour celles qui acceptent les couches lavables.»
L’image de la profession change aussi, lentement. «On entend encore souvent des « allez, amusez-vous bien! », au moment où on nous confie l’enfant», observe Annick Millim. «Il est encore très ancré qu’il suffit d’être une femme pour savoir faire.» Ici, on se remémore en riant (jaune) de ce papa «qui s’installait sur le canapé en s’enquérant de l’heure de l’apéro. Comme si l’assistante maternelle ne travaillait pas réellement…» Les confinements et le télétravail ont replacé le curseur. Tout comme ils ont globalement «réduit le temps d’accueil». Autre changement : «Les parents ont plus de souplesse au travail, ils en attendent autant de l’assistante maternelle.»
Reste l’indescriptible sentiment d’accomplissement dans un métier «utile et qui fait sens au quotidien», relaie toutefois Virginie Korn. Les photos et cartes postales, tout comme les sourires des «anciens» au portail de l’école, font la balance dans un métier où beaucoup appellent à «davantage de reconnaissance».
La Luciole éclaire parents et nounous
Quinze ans que le Relais Petite Enfance La Luciole, à Hayange, est au service des assistants maternels et des parents du Val de Fensch. «Le fil rouge, résume Virginie Korn, c’est l’amélioration permanente de la qualité de l’accueil des enfants au domicile.» Sur ce territoire où 304 professionnels sont recensés pour un potentiel de 1 100 places, le recours à un assistant maternel s’avère «le premier mode de garde», veut rappeler Annabelle Léonard, directrice du service petite enfance à la communauté d’agglomération. L’accompagnement des assistants maternels s’articule autour de plusieurs axes : l’information, le soutien pour l’accès à la formation continue, «un droit dans le plan de développement des compétences», précise la cheffe de la structure. «Le relais est aussi un lieu privilégié pour échanger sur les pratiques, confronter son point de vue professionnel.»