Salah Benlahrir, le chirurgien qui a opéré Corentin Jeras, 11 ans, le 1er novembre 2014 à l’hôpital Claude-Bernard de Metz, qui est décédé le lendemain au CHU de Nancy, a été mis en examen lundi à Metz pour homicide involontaire.
Le chirurgien qui a opéré Corentin Jeras, 11 ans, mort d’une appendicectomie ratée le 1er novembre 2014 à l’hôpital-clinique Claude-Bernard de Metz, a été mis en examen lundi pour homicide involontaire par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence. Il encourt jusqu’à trois ans de prison et 45 000 € d’amende. Son audition devant le juge d’instruction Jean-Marie Caronna a duré plus de trois heures, lundi après-midi. Elle intervenait vingt-deux mois après l’ouverture d’une information judiciaire par le parquet.
« Echec à juguler l’hémorragie »
Au cours de cet interrogatoire, le Dr Salah Benlahrir a redit au magistrat instructeur qu’il « fallait bien, selon lui, opérer Corentin qui souffrait d’une appendicite chronique » et que le collégien messin n’était pas mort « des suites d’une appendicite mal diagnostiquée mais de l’incapacité à juguler l’hémorragie », après que l’aorte de l’enfant a été percée par un instrument de cœlioscopie, comme l’a expliqué son avocat Me Joseph Roth, en fin de journée. « Mon client a fait le récit de l’opération qui a mal tourné et donné sa vision des faits », détaille encore Me Roth.
« Ce qui est sûr, c’est que le temps a été un élément important. Mon client a demandé rapidement à ouvrir le patient mais les anesthésistes présents au bloc l’en ont dissuadé [craignant une embolie gazeuse ou un choc anaphylactique]. Il a aussi indiqué au juge qu’il avait appelé à l’aide un autre chirurgien [le Dr Chipponi, chirurgien gastrique] qui s’est dit capable de réparer l’aorte de Corentin. Il n’a pas réussi… et je pense qu’il y a eu des problèmes de communication dans ce bloc. Je rappelle que ce jour-là, mon client était le vacataire, face à des praticiens plus expérimentés », analyse encore Me Roth.
L’enquête dirigée par le juge d’instruction a cependant éclairé ce fatal samedi 1er novembre, où l’opération dérape, d’une lumière assez crue et elle contredit la position du Dr Benlahrir sur plusieurs points importants.
Comme l’avait révélé le Républicain Lorrain en janvier dernier, les experts mandatés par la justice estiment que Corentin souffrait d’une « colopathie fonctionnelle » et qu’il n’y avait « pas d’arguments cliniques ou radiologiques » en faveur d’une appendicite. Les mêmes experts jugent que les deux chirurgiens ont perdu du temps et n’ont pas respecté les règles de l’art : en début d’opération pour Benlahrir et en milieu d’opération pour Chipponi, qui ne parvient pas à suturer l’aorte qui saigne.
Interrogé lundi, Pierre Jeras, le père de Corentin, a estimé que « le compte n’y était pas » et que le premier chirurgien « n’aurait pas dû, selon les éléments qu’il a réunis ces derniers mois, se retrouver au bloc à opérer ».
Le second chirurgien entendu aujourd’hui
Me Marc Baerthelé, l’avocat de Fatiha, la mère de Corentin, considère que cette mise en examen était « la suite logique de l’enquête du juge », dont les rapports d’experts « mettent en cause de façon carrée la responsabilité des chirurgiens ce jour-là ».
Le second chirurgien, le Dr Pierre-Noël Chipponi, est attendu dans le bureau du juge aujourd’hui à 14h et devrait être mis en examen à son tour.