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«Mon spécimen préféré, c’est une dent de lait de mammouth»


Maëlys Sinnig, 28 ans, cheffe de projet du Pavillon de la biodiversité : «Ces plantes et animaux, à découvrir gratuitement, sont un rappel important : il faut agir. (Photo : le républicain lorrain/.karim siari)

Le Musée de Cour d’or accueille une nouvelle aile qui met en scène 440 spécimens pour sensibiliser le public au déclin de la biodiversité. La jeune conservatrice Maëlys Sinnig a travaillé cinq ans sur le projet.

Les cabinets d’histoire naturelle du XIXe siècle à Metz étaient réputés. À quoi ressemblaient-ils ?

Maëlys Sinnig : « C’étaient des espaces merveilleux, surchargés. Des lieux de conservation, d’étude, d’exposition et d’enseignement. Les spécimens étaient conservés derrière des vitrines en bois – que nous avons restaurées pour le Pavillon -, dans des salles au parquet qui craque, avec cette odeur typique des collections naturalistes. »

Qui étaient ces savants messins ?

« C’étaient des notables, bénévoles au départ. L’un des plus connus était le naturaliste Jean-Joseph-Jacques Holandre, premier conservateur du Cabinet d’histoire naturelle de Metz. Il collectionnait des coquillages, des plantes, des oiseaux, des papillons. Témoin de la Révolution française, il se rapprochait des encyclopédistes. Lors des travaux, on a retrouvé son livre Faune du département de la Moselle, publié en 1836, annoté par lui-même! C’est lui qui a nommé la grive dorée, dont le spécimen naturalisé date de 1788. L’ornithologue Alfred Malherbe, son successeur, a pris la tête du «muséum» en 1842 (devenu musée en 1939). Il a écrit une Monographie des picidés. Un pic et un pigeon portent son nom, ainsi qu’une perruche dont le spécimen exposé au Pavillon a servi à décrire l’espèce. »

Sur les 35 000 spécimens conservés par la Métropole, 446 ont été sélectionnés. De quelle manière ?

«Nous avons défini un fil rouge avec l’agence AG studio. La scénographie, confiée au cabinet Die Werft, a permis de séquencer la partie Découvrir (les cabinets d’histoire naturelle, la définition de la biodiversité), puis la partie Comprendre (l’extinction dans les temps géologiques et le phénomène mondial dramatique d’extinction des espèces, ainsi que les milieux naturels lorrains), où apparaissent des spécimens disparus ou à protéger. Dans la partie Agir, figurent le loup et l’ours, très présents dans notre folklore, éteints, puis protégés et réintroduits. Chaque choix a été longuement débattu avec le conseil scientifique. Les spécimens conservés en réserve continuent à être étudiés par des chercheurs. »

De quoi êtes-vous la plus fière ?

« Je suis fière d’avoir retrouvé dans les archives l’histoire de spécimens qui s’était perdue, comme celle des pics de Malherbe que j’ai tous réassociés avec leur publication en couleur de 1863. Notre équipe a aussi retracé l’histoire de notre collection de mammouths (111 dents !) via des photos en noir et blanc des années 1930, étiquettes et collections d’époque. Nous avons assisté à la découverte de la défense de mammouth en 2022, sous un soleil de plomb à Cattenom, au beau milieu d’une nécropole mérovingienne, par nos collègues archéologues de la Métropole. Restaurée, elle est exposée. Nous avons aussi retrouvé la couleur d’origine du pic à bec ivoire, une espèce éteinte, dont le spécimen avait été repeint pour correspondre aux estampes du XIXe siècle! La restauration participe à la connaissance…

Quel est votre spécimen préféré ?

« Une dent de lait de mammouth (elle mesure plus de 10 cm²) ! Elle a été découverte en 1825 à Sillegny par Alfred Malherbe. Nous exposons aussi des molaires et des mandibules de mammouth qui pèsent leur poids ! Ces spécimens témoignent de la taille gigantesque de ces animaux. »

On a beaucoup parlé du grand pingouin, emblème de la disparition de masse des espèces. Y a-t-il d’autres symboles au musée ?

« Le courlis à bec grêle, éteint l’année dernière, est la première extinction d’un oiseau sur le continent européen. Nous conservons aussi la dernière loutre pêchée dans la Moselle. L’espèce ne parvient pas à revenir de manière durable dans les cours d’eaux canalisés. »

Mon spécimen préféré, en dehors grand pingouin, est la dent de lait de mammouth.

Une à deux heures de visite

Avec une surface de 350 m2 et quatre mètres sous plafond, le Pavillon permet un déploiement des thèmes et des collections pour une visite d’une à deux heures », estime la conservatrice Maëlys Sinnig. « Piloté par l’ingénieur Vincent L’Homel, de la direction des bâtiments de la Métropole, le projet s’est déployé sur tous les étages de l’aile. La centrale de traitement d’air est située sous les combles, et on a dû enlever les tuiles et les poutres de la structure pour la faire passer ! L’espace du Pavillon accueillait notre bibliothèque et nos bureaux, qui ont été déménagés dans une ancienne réserve, elle-même transférée à la Maison de l’archéologie et du patrimoine. Toute l’équipe scientifique du musée a été impliquée, en coulisse. Le projet pourra peut-être grandir un jour… »

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