Il s’en passe des choses sur l’autoroute A31 la nuit, quand les travailleurs frontaliers dorment. Les ouvriers travaillent dur jusqu’à l’aurore pour couler du bitume. Et ils s’en vont avant le premier pic de circulation.
21 h, les cônes sont en place et la signalisation lumineuse clignote dans les yeux des automobilistes qui circulent sur l’A31. Voitures et camions se partagent deux voies sur un même côté dans les deux sens. Mais le gros du trafic journalier est passé. Donc place aux ouvriers qui investissent le terrain. Ils ont jusqu’au lendemain 5 h pour effectuer un maximum de distance avant de disparaître comme de petites fées et de laisser la route propre et nette. En arrivant, les automobilistes auront l’impression de rouler sur du coton au lieu d’être secoués par les habituels nids-de-poule. Un miracle !
En fait, ce petit miracle est l’œuvre habituelle de la Direst, d’Eurovia et d’entreprises engagées dans les opérations de rénovation de l’A31. Mercredi soir, soixante spécialistes des travaux publics sont passés une dernière fois à l’action entre Thionville-Elange et l’aire d’Entrange, remise à neuf sur neuf kilomètres, dans le sens Thionville-Luxembourg. « C’est le plus gros chantier programmé de l’année », indique Thomas Anselme, responsable du district de Metz.
Le chantier démarré le 23 mai s’est étiré sur cinq semaines sans n’être jamais visible des conducteurs qui passent par là tous les jours.
À la vitesse de l’escargot
Pourtant, les chiffres donnent le vertige avec des engins accusant jusqu’à 35 t amenés sur place. 23 t d’enrobé bitumeux ont été étalés. La chaussée a été raclée sur une épaisseur allant jusqu’à 15 cm dans cinq zones correspondant aux endroits les plus abîmés. Une fois la structure de l’autoroute restaurée dans son intégralité, il a été temps de poser la couche de roulement toute neuve. Et comme c’est un travail de grande précision, il faut deux semaines pour poser le bitume, à la vitesse supersonique de… 6 m/min. « Nous privilégions d’abord la sécurité et la durabilité », explique Thomas Anselme.
La Grande table, une énorme machine qui s’étale sur les huit mètres de largeur des deux voies de circulation, progresse ainsi à la vitesse de l’escargot, accompagnée d’un plus petit « finisheur » qui s’occupe de la bande d’arrêt d’urgence. Une fois lancés, ces engins ne doivent jamais s’arrêter pour éviter toute cause de malformation. Le travail est long, lent et continuel. Un colossal « alimentateur » fait tampon avec l’arrière des camions benne qui déversent leur chargement de bitume chauffé à 180 °C produit dans une centrale d’enrobé de Mondelange en simultané.
La danse des compacteurs
Trente poids lourds font la navette pour assurer un approvisionnement permanent. « C’est une petite nuit », commente Thomas Anselme, alors que le ballet des camions s’organise. Ils arrivent guidés par des bâtons lumineux en marche arrière, comme des avions dans un aéroport, se collent au gros alimentateur puis se laissent pousser tout en se vidant… De l’autre côté, plusieurs rouleaux compacteurs dansent sur le tapis tout neuf et lui font perdre 1 cm d’épaisseur. À 6 cm, c’est bon.
Les opérations s’enchaînent, jusqu’à l’entrée en piste des peintres qui tracent la signalisation horizontale, après un dernier contrôle de qualité pour vérifier les propriétés mécaniques de l’enrobé en train de refroidir.
Au-dessus des casques scintille une première nuit étoilée magnifique. Aucun nuage. La lune orange pointe à l’horizon. Encore quelques heures d’effort et cet atelier sera arrivé en bout de section. Puis les frontaliers vont boire leur café, démarrer leur moteur, et découvrir ce revêtement impeccable tant attendu. Mais comme il reste encore des trous, la Direst va sortir un autre dossier et tout recommencer un peu plus loin. De nuit, le plus discrètement possible « pour ne pas gêner la fluidité du trafic », comme toujours.