Première journée éprouvante lundi à Arlon, au procès du meurtrier présumé de Béatrice Berlaimont, 14 ans. Jérémy Pierson a redit qu’il n’avait «pas l’intention de la tuer». Il a été lui-même agressé dans son enfance.
Derrière son micro, il a l’allure d’un adolescent endimanché, avec son costume sombre un peu grand et sa chemise blanche boutonnée trop haut. Pendant toute la première journée de son procès pour l’enlèvement, l’assassinat et la torture d’une adolescente en novembre 2014, Jérémy Pierson a tangué dans son box, s’emmêlant dans ses souvenirs ou les zones grises de ces 19 jours qui ont traumatisé le Luxembourg belge : entre l’enlèvement de Béatrice le 21 novembre 2014 et l’arrestation de son ravisseur, le 9 décembre.
Jérémy Pierson l’a redit sous toutes les formes possibles : «Je n’ai jamais eu l’intention de tuer Béatrice.» Sous le feu roulant des questions de la présidente Annick Jackers qui a repris toute la chronologie des faits, Jérémy Pierson s’en est tenu à sa ligne de conduite. «J’ai été dépassé. J’étais sous l’influence de la drogue», objecte-t-il quand la magistrate souligne ses souvenirs approximatifs, ses hésitations coupables et l’oblige à répéter. «Vous savez, j’ai toujours eu du mal à m’exprimer», lâche-t-il alors que la présidente ordonne une pause parce qu’elle ne supporte plus les à-peu-près d’un accusé falot.
Assis derrière leurs avocats, les parents de Béatrice et la jeune automobiliste qu’il a violée il y a trois ans ont subi les premières heures d’un procès qui va durer trois semaines. Isabelle Hustin se prenant la tête dans les mains à chaque fois que Jérémy Pierson répétait que sa fille était souvent «libre, sans lien» aux côtés de son ravisseur. «Je ne dirais pas qu’elle m’aimait bien. Mais je pense que Béatrice vivait un syndrome de Stockholm. C’est un expert qui m’a dit ça», lâche benoîtement l’accusé.
Mauvaises rencontres
Les viols, la mort atroce de Béatrice étranglée par ses liens à Allondrelle-la-Malmaison (près de Longwy), sa séquestration dans un conteneur de la caserne Callemeyn, ses demandes récurrentes pour savoir «quand» il la libérerait : Jérémy Pierson tente de les dissoudre dans le brouillard d’une mémoire dévorée par les stupéfiants.
C’est sans doute l’autre information du jour : l’enfance de l’accusé, qu’il a racontée lors de l’interrogatoire de personnalité, est un champ de ruines. Sans père et avec une mère qui donnait «tout pour son amoureux et rien pour moi».
Entre Espagne et Belgique, ballottée entre une scolarité difficile et les paradis artificiels (MDMA, kétamine, cocaïne), se dessine le portrait d’un adolescent errant, victime de deux très mauvaises rencontres. Son oncle, en Espagne : «J’avais 10 ou 11 ans. Il m’a amadoué avec sa console. Puis, il m’a violé.»
Alors qu’il vit à la rue à Arlon, vers 16 ou 17 ans, un curé lui offre son aide. «Il m’a fait boire de l’eau-de-vie. Je me suis réveillé dans une baignoire et il me faisait une fellation.»
Alain Morvan, à Arlon (Le Républicain lorrain)