Quatre cents élèves réunis en deux fois dans l’auditorium du lycée Louis-Vincent, des centaines en connexion à distance : le récit de Ginette Kolinka a touché un large public ce lundi. À 97 ans, elle a raconté une nouvelle fois son expérience de la déportation à Birkenau. Émouvant, forcément.
« La haine est la cause de cette période nazie. Dès que vous avez envie de dire : ‘‘Ah, ceux-là, je les…’’, c’est le début d’Auschwitz. Mon seul conseil aux jeunes, c’est ‘‘acceptons-nous’’. Il y a de la place pour tout le monde sur Terre, sans forcément obliger les autres à faire comme nous. » Il est presque 16 h, ce lundi 12 septembre, Ginette Kolinka répond aux questions des lycéens. Des très nombreux lycéens. L’auditorium de Louis-Vincent est plein, avec deux cents personnes assises, et 500 autres connectées en direct. Le matin, au même endroit, c’était pareil. Pour expliquer cette affluence, il y a le travail de pédagogie des profs, l’engagement du proviseur, Olivier Pallez, la mobilisation autour de cette venue. La certitude de vivre un instant rare. Ginette Kolinka a 97 ans. Elle est née le 4 février 1925.
La honte de la mise à nu
La Parisienne témoigne beaucoup, devant les élèves, toute l’année, de sa déportation à Birkenau. En février, elle a témoigné à Saint-Avold , en mai à Sarrebourg, en juin à Cocheren. « Cet été, j’étais à la maison, je faisais ma vieille dame. Là, j’ai recommencé hier, j’ai rajeuni de dix ans… », explique-t-elle avec humour.
Birkenau l’a attrapée en pleine jeunesse. Ginette est arrêtée avec son père et son frère le 13 avril 1944, à Avignon, à la suite d’une dénonciation. Elle a 19 ans. Départ pour Drancy, puis pour la Pologne. « On savait ce qui allait se passer, on partait pour des camps de travail. » À Bobigny vient l’instant épouvantable de la tonte, du tatouage. Ginette devient le numéro 78599. « À tour de rôle, des femmes vont nous enlever les cheveux, les poils du sexe, j’étais nue, j’en étais malade… »
Rien pour se laver
Le voyage en wagon à bestiaux cadenassé est éprouvant. « Il a duré trois jours et trois nuits. » Elle ne se souvient pas de la durée. Des conditions sanitaires, oui. Du seau rempli pour les besoins, qui déborde à chaque secousse. « Imaginez l’odeur dans ce wagon sans air. » À l’arrivée, des camions sont disponibles pour les moins vaillants. Elle propose à son père et son frère, Gilbert, 12 ans, d’y monter. Elle ne les reverra plus. Ginette a la chance d’être dans un groupe « de costauds ». À pied, ils vont traverser un champ, voir émerger les cheminées de Birkenau. « Il y avait des baraques à perte de vue… »
Elle évoque les kapos, les ordres hurlés, l’interdiction de parler. Et les latrines. « On nous emmenait aux toilettes à heure fixe, matin, 13 h, soir. Il n’y avait rien pour s’essuyer, ça partait sur les jambes, on ne se lavait pas. » D’autres anecdotes se bousculent. Ginette Kolinka pourrait poursuivre des heures. « Pour moi, ces quatre-vingts ans, c’était hier. »