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Metz : le grand voyage du tableau à la petite fille


« A small girl with the pigs » (La Fillette aux porcelets), une petite paysanne mosellane devenue célèbre en Amérique. (Photo DR/Musée de Seattle)

Petit-neveu du peintre mosellan Edmond Louyot (1861-1920), Michel Louyot a retracé, grâce à de patientes recherches, le parcours d’une œuvre de son ancêtre, « La Fillette aux porcelets », de l’Europe à l’Amérique.

Né juste avant l’Annexion à Arry-La Lobe, le peintre Edmond Louyot a fait ses études d’art et a connu la célébrité dans l’Allemagne du Kaiser. Il décède en 1920, méconnu, dans une Moselle redevenue française qu’il n’avait jamais cessé d’aimer.

Parmi son œuvre fertile, le tableau d’une petite paysanne lorraine, La Fillette aux porcelets, est exposée actuellement dans un musée de Seattle aux USA. Le petit-neveu du peintre, Michel Louyot, a effectué des recherches pour comprendre comment ce tableau a voyagé jusqu’aux États-Unis. Voici cette belle histoire.

Quand son père, Edmond Louyot, décède en 1920, Rita, sa fille chérie, se rend compte que la présence de sa mère, Adèle, qui ne parle pas français, n’est pas souhaitée en Moselle. Les économies d’Edmond ont fondu après la dévaluation du mark. « Rita pense à vendre les tableaux, mais à qui ? Dans l’Europe ravagée par la Première Guerre mondiale, nul ne songe à acquérir des œuvres d’art. Rita Louyot ne tergiverse pas et décide de charger 130 toiles dans un wagon à la gare de Pagny-sur-Moselle », explique Michel.

Dans un musée de Seattle

Rita et sa mère embarqueront ainsi au Havre sur le Leopoldina et arriveront le 5 novembre dans le port de New York. « Trois mois durant, les œuvres d’Edmond seront exposées dans les galeries Anderson et John Wanamker. La critique d’art Lucy Cleveland saluera la qualité du coloris du peintre et les merveilleux effets de la lumière sur l’eau, poursuit le petit-neveu du peintre. Les tableaux d’Edmond sont régulièrement vendus aux enchères par diverses galeries, notamment chez Christie’s à New York. Mais une seule toile, La Fillette aux porcelets, figure dans un musée de Seattle, le Charlie and Emma Frye Art Museum.

Michel Louyot entretient une correspondance avec Miss Cory Gooch, la responsable des collections de ce musée, qui lui a fait connaître la biographie de Charlie Frye, l’initiateur de cette importante collection. « La famille Frye, originaire d’Allemagne tenait une ferme dans l’Iowa. Le fils de famille Charlie devint non seulement un magnat de la viande mais aussi une figure marquante de la Côte ouest. Charlie se passionnait pour l’art et connaissait l’École de Munich et celle de Barbizon (avec des peintres comme Franz von Lenbach et Max Liebermann, Max Slevogt, Edouard Manet, Eugène Boudin, William Bouguereau ainsi que Léon Barillot, natif de Montigny-lès-Metz) », résume Michel.

La Fillette aux porcelets serait la première toile achetée par le couple lors de la Columbian Exposition de 1893. Charlie l’aurait offerte à son épouse, Emma, qui venait d’apprendre qu’elle ne pourrait jamais être mère.

C’est ainsi que la petite paysanne lorraine anonyme, devenue objet à très forte valeur sentimentale, s’est aussi fait un nom dans le Nouveau monde.

Christine Leclerq (Le Républicain Lorrain)