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Metz : la Ville met en vente un de ses bâtiments emblématiques


Cet immeuble situé en plein cœur du secteur sauvegardé de Metz est à vendre. Il abritait jadis La Poste. Il est, aujourd’hui, composé de grands appartements pour la plupart vides ou occupés par des services municipaux et paramunicipaux. (photo Gilles Wirtz / RL)

Sans trop de publicité, la Ville de Metz a mis en vente l’un de ses immeubles emblématiques. Donnant sur la place de la Comédie, l’ensemble, accolé à l’Opéra-Théâtre, doit recevoir une activité commerciale, sinon rien.

La Ville de Metz cède les bâtiments 1, 2 et 3 place de la Comédie en vue de leur reconversion en projet économique »… Trois clics sur Google suffisent à dénicher cette annonce apparemment passée inaperçue en ville.

Elle apparaît sur le site de l’agence économique locale Metz-Métropole développement. Le bureau a été mandaté par ses actionnaires (Ville de Metz et communauté d’agglomération de Metz-Métropole) pour gérer l’affaire et veiller au respect d’un cahier des charges relativement épais.

En trois clics

Ce document est lui aussi disponible en ligne. Il précise que les candidats au rachat de cet imposant élément patrimonial devront présenter avant le 15 juillet, un projet de reconversion économique et de restauration scrupuleuse, en y intégrant le restaurant El Theatris qu’il « conviendra d’inscrire dans le futur projet ».

D’une superficie totale de 2 900 mètres carrés sur trois niveaux, les bâtiments accueillent encore diverses activités municipales et paramunicipales. Au numéro 1, troisième étage sans ascenseur, il y a aussi un appartement de 90 m² encore occupé et, à l’intérieur, Myriam, 66 ans, locataire de la Ville depuis 1986. Aujourd’hui veuve, la sexagénaire a découvert les velléités de son bailleur un peu par hasard, un peu par la bande.

« Ici, je suis bien… »

Elle dit aussi qu’elle a vu défiler dans l’immeuble des gens qui « ne se sont pas présentés ». Franche du collier, Myriam a vite compris que quelque chose se tramait. « Il y a des bruits laissant entendre qu’ils veulent créer un hôtel de luxe ici. Il y a tout un tas de rumeurs depuis des mois. Moi, je ne comprends pas et je ne suis pas prête à partir. Ici, je suis bien. Je suis chez moi. Ce qui se passe est aberrant. À 66 ans, je ne vais pas m’emmerder à aller me foutre je ne sais où ! »

C’est aussi ce que se dit, en termes plus ronds, Nicolas Rapenne, propriétaire du restaurant El Theatris dont il a su faire une table reconnue à Metz en une dizaine d’années. Lui aussi est locataire de la mairie, mais avec un bail commercial : « Cette histoire dure depuis près d’un an. J’ai déjà été approché par un investisseur en particulier qui cherche à connaître mes intentions. Mais, tout cela reste assez vague pour l’instant. »

Résultat en novembre

Cet « investisseur » actif n’est pas un inconnu. Il s’agit du groupe de transport mosellan Heintz dirigé par André Heintz, dont le directeur général de la branche « immobilier », Christophe Thiriet nous a confirmé, hier, qu’il était sur les rangs : « Nous ne sommes pas les seuls. Il s’agit d’un appel à projet pour un projet économique. On y répond. C’est tout ce que l’on peut dire pour l’instant. »

Statu quo, au moins, jusqu’au mois de novembre, date à laquelle sera divulgué le nom du lauréat retenu par un comité technique qui statuera en septembre sur les dossiers de candidatures remis avant le 15 juillet, dernier carat.

Un hôtel de standing ?

Selon d’autres sources, Heintz Immobilier envisagerait de proposer de transformer l’immeuble en un hôtel de standing d’une cinquantaine de chambres. Une opération à plusieurs millions d’euros qui répondrait aux attentes de la municipalité, soucieuse d’élargir l’offre hôtelière de Metz en vue de l’ouverture de son palais des congrès dans le quartier de l’Amphithéâtre.

Le lieu s’y prête. Sa situation également. Centre administratif où siègent préfecture, conseil régional et conseil départemental, le quartier des Isles est devenu en quelques années l’un des plus prisés de Metz et l’un des plus touristiques avec ses vues de carte postale, ses monuments historiques, ses restaurants, son cabaret Le Burlesque et son opéra-théâtre. La terrasse du bar Théâtris – alias Chez Momo – est aussi l’une des plus courues du coin pour sa quiétude et ses assiettes apéritives.

« En catimini »

Cela dit, la partie n’est gagnée, car des voix s’élèvent déjà pour dénoncer une « marchandisation du patrimoine messin remarquable ». L’élu d’opposition Emmanuel Lebeau, qui a eu vent de l’affaire tout récemment, prépare déjà sa riposte. Lui qui s’était opposé à la vente d’un immeuble situé place d’Armes à son locataire, la pâtisserie Jean, au motif qu’il n’avait fait l’objet d’aucune consultation, s’étonne, une fois encore, de la politique patrimoniale de la municipalité qui « consiste à vendre les bijoux de famille les plus exceptionnels », et, sur le fond, des méthodes employées.

Cet appel à projet qui n’a fait l’objet « d’aucune réelle publicité », l’interroge, en effet : « Cet immeuble n’apparaît pas dans la liste de cessions des biens de la ville qui nous a été communiquée. J’aimerais savoir pourquoi ? Un projet comme ça, on ne le passe pas en catimini. Il faut communiquer très largement si l’on veut le valoriser. Or, ici, on a l’impression, une fois de plus, qu’il n’y a pas eu de volonté de transparence. Le problème est que, quand c’est flou, on se dit qu’il y a un loup. »

Sollicitée pour apporter des précisions sur ses intentions, la mairie de Metz s’est, pour sa part, contentée d’indiquer : « La Ville de Metz demeure dans l’attente de la réception de l’ensemble des offres pour ce projet, elle n’a donc pas de commentaire sur ce sujet. » Soit.

Thierry Fedrigo (Le Républicain lorrain)