À l’occasion d’un débat sur le don, à la Ville de Metz, de la statue du général de Gaulle par la société Eska-Derichebourg, Xavier Bouvet a émis des doutes sur cette opération. « C’est une opposition imbécile », a répliqué le maire. Xavier Bouvet a immédiatement quitté la salle.
Jeudi soir, le conseil municipal de Metz s’est achevé peu avant 23 h 30. Encore une fois, il s’est déroulé en visioconférence. Seul le maire, ses deux premiers adjoints et le leader de l’opposition de gauche Xavier Bouvet étaient présents. Mais ce dernier avait quitté la salle depuis une bonne heure lorsque le maire a levé la séance. Il a claqué la porte à l’issue d’un débat houleux sur le mécénat. Retour sur les faits.
Au point numéro 16 de ce conseil municipal, les élus sont invités à valider l’opération de mécénat de la société Lingenheld pour la réalisation du jardin d’été de la place de la Comédie. Aucun problème pour Xavier Bouvet qui salue cette initiative, déjà engagée les années précédentes.
Mais l’élu profite de ce point pour faire un parallèle avec une autre opération de mécénat : le don, par la société Eska-Derichebourg, de la fameuse statue du général de Gaulle évaluée à 140 000 €, qui sera inaugurée sur la place du même nom le 20 mars prochain.
Sous-entendus
« Dans le cas du financement du jardin, le mécénat répond à une sollicitation cadrée de la Ville de Metz, en direction de l’ensemble du secteur privé, ce qui n’est pas le cas de la statue, observe l’élu. C’est un don résultant de la volonté pure d’une entreprise. » Il n’en dira pas plus, mais la majorité y entend quelques sous-entendus… Quelques minutes plus tard, Françoise Grolet (RN) est un peu plus explicite : « Ce sujet est délicat et il faut se garder de prendre des décisions susceptibles de porter atteinte aux élus et à la crédibilité politique. »
Xavier Bouvet ajoute ceci : « Nous acceptons un don d’une valeur de 140 000 € de la part d’une entreprise dont le groupe vient de licencier 163 personnes à Toulouse. Et nous regrettons qu’on y mêle la figure du chef de la France libre. »
En entendant ces mots, l’adjoint à la culture, Patrick Thil se fâche. Il rappelle d’abord que la volonté d’installer une statue du Général devant la gare remonte à Raymond Mondon. Et revient sur la dernière critique de Xavier Bouvet : « 140 000 €, avec la déduction fiscale dont va bénéficier cette entreprise, cela va lui coûter en réalité 50 000 €. Quels emplois vous sauvez avec 50 000 € ? Aucun. C’est très grave ce que vous dites. Cela peut empêcher toute entreprise qui aurait des difficultés économiques ou sociales de faire du mécénat. Vos critiques sont extrêmement méprisables. »
François Grosdidier, lui, est « indigné » : « Je suis profondément triste et j’ai quelque part un peu honte d’être maire de Metz quand sont attaqués des mécènes de la ville. » « Je ne connaissais pas les dirigeants de cette entreprise avant qu’ils me contactent, jure-t-il. […]. Je ne vous permets pas de dire qu’un mécène peut s’attendre à une contrepartie, à une complaisance sur un marché public. Rien ne justifie ce genre de suspicion. »
« Continuez comme ça et nous n’aurons plus aucun mécène »
« On demande aux entreprises d’être citoyennes et quand elles le font, vous le dénoncez, rugit François Grosdidier. Vous faites mal à la ville de Metz. Continuez comme ça, et nous n’aurons plus un seul mécène ! Nous ne pourrons pas faire les opérations envisagées sur la Cour d’or, Sainte-Thérèse , le Mont Saint-Quentin. Nous ne pourrons pas le faire car nous aurons une opposition tellement systématique, et j’ose le mot, imbécile, stérile, car elle nous privera des mécénats auxquelles ont droit les autres métropoles. »
« Imbécile », c’est « le mot de trop », pour Xavier Bouvet. L’élu se lève, rassemble ses affaires et quitte le conseil municipal sans dire un mot, atterré. Quelques minutes plus tard, alors que les élus sont invités à exprimer leur vote, Danielle Bori et ses colistiers reviennent sur cet incident : « Traiter un élu de la République d’imbécile est inacceptable et ne vous honore pas, réagit Danielle Bori. Vous devez des excuses à M. Bouvet »
« Je n’ai pas traité M. Bouvet d’imbécile, j’ai dit que sa position était imbécile et je le maintiens », lui répond le maire. Un peu plus tard, il précisera même : « Je pense que M. Bouvet est un homme fort intelligent. » Pas sûr que ce compliment suffise à calmer la colère de l’opposition.
Anthony Villeneuve (Le Républicain Lorrain)