Un homme de 23 ans a écopé de dix ans de réclusion pour avoir violenté son bébé qui a survécu mais restera infirme.
Quand il s’est levé, son client venait d’essuyer un feu nourri. Dans le désordre : Yannick, 23 ans, est un fainéant qui ne pense qu’à jouer au poker sur le net, un toxicomane, un alcoolique, un homme violent avec sa compagne. Un type incapable d’empathie. Les parties civiles, autant que l’avocat général, qui a requis une peine de treize ans de réclusion, n’avaient pas lésiné sur les moyens pour en dessiner le portrait d’un mauvais père. « Donc, d’un coupable tout trouvé », a commencé par fustiger Me Antoine Paveau, tard hier, dans une salle des assises encore marquée les photos de la petite Lena, le visage tuméfié, gonflé. Marquée aussi par les conséquences des secousses infligées : l’enfant a survécu mais restera infirme. Depuis deux jours, tout menait à son père. « Mais ce qu’on a raconté, ce sont des histoires. Des raccourcis. Attention aux raccourcis. »
Le pénaliste prend l’exemple de l’audition de l’enquêteur de police, jeudi. « Il a quand même indiqué que lorsque la brigade des mineurs a été saisie, un scénario s’est tout de suite imposé, ainsi qu’un auteur idéal. C’est exactement ce que je pense. Le dossier a été construit sur ce postulat. C’est Yannick, parce que c’est l’homme de la maison. C’est simpliste. »
Ce qui l’est moins, ce sont les conclusions des experts. Qui disent les mêmes choses. La première : la petite Léna a subi un moment d’une extrême violence. Le bébé de cinq semaines a été secoué. Mais aussi frappé. La seconde : les épisodes traumatiques ont lieu nécessairement le 9 avril 2013. Or, le père a gardé pendant trois heures l’enfant, dans l’après-midi. Et c’est au retour de courses que la grand-mère et la mère des enfants ont remarqué qu’elle n’allait pas bien. En plus de sa frimousse abîmée, la petite était apathique. Avocat des parties civiles, Me Mathieu Spaeter synthétise : «On sait qui. On sait quand. On ignore seulement comment.»
« Un bon père ne peut pas faire ça »
« Non ! On nous sert ça depuis le départ mais je ne peux pas être d’accord. On nous dit que la petite allait bien à 16h. Mais en est-on sûr ? Moi, je n’ai pas cette conviction. A son retour du travail, mon client ne l’a pas vue parce qu’elle a dormi jusqu’à 17h, jusqu’à son biberon. Plongé dans sa partie de poker, il a très bien pu ne pas s’apercevoir qu’elle n’allait pas bien. Et elle était avec qui dans la matinée et jusqu’à 16 h ? Je ne suis pas là pour faire son procès mais il est important de le dire : la mère de Léna. »
Mise en examen, elle n’a pas été poursuivie à l’issue de la procédure mais a dû encaisser beaucoup de choses au cours du procès. « On s’est concentré sur mon client », se plaint encore Me Paveau qui évoque « le doute. Le doute que ça se soit passé ainsi. On a regardé ce dossier de façon trop simpliste. Il était commode de tout mettre sur le dos de cette petite frappe. Je suis tenaillé par le doute, insiste-t-il regardant les jurés droit dans les yeux. Dans ce dossier, je ne suis sûr que d’une chose : mon client est un bon père. Et un bon père ne pourrait jamais faire ça. »
Après trois heures de délibéré, l’accusé a été condamné à dix ans de réclusion criminelle.
K. G. (Le Républicain Lorrain)