La loutre d’Europe se maintient en province de Luxembourg et en Wallonie, malgré les difficultés. Indicateur de bonne santé écologique, elle engendre des projets environnementaux qui profitent à d’autres espèces.
La loutre d’Europe, bien que confrontée à de nombreuses difficultés, parvient à persister dans les cours d’eau de Wallonie, de la province de Luxembourg, et notamment en Gaume. Selon Vinciane Schockert, biologiste au SPW (DEMNA), et Quentin Dubois, docteur en biologie au Parc national de la Vallée de la Semois, sa présence est le signe d’un environnement en amélioration, mais encore fragile.
La loutre est suivie depuis longtemps et n’a jamais disparu, bien qu’elle ait vu ses populations diminuer au fil des siècles, surtout entre la fin du 19e siècle et les années 1960, à cause de la chasse intensive et de la pollution. « Elle était perçue comme une concurrente pour les pêcheurs », explique Vinciane Schockert. L’espèce a également souffert de la contamination par pesticides et notamment les PCB, affectant sa reproduction. Toutefois, la présence de quelques individus aujourd’hui témoigne de l’amélioration de la qualité de l’eau et de l’environnement local.
«Chaque loutre tuée entre 1889 et 1965 était récompensée par une prime. Cette disposition a conduit à la destruction de plus de 2000 loutres en Belgique, soit environ 20 % de la population estimée à cette période», explique Vinciane Schockert.
La loutre, un indicateur de la santé de l’environnement
«La loutre est un excellent indicateur écologique» souligne Quentin Dubois. «Elle est exigeante en termes d’habitat, ce qui signifie que son maintien indique un environnement relativement sain.» Dans le cadre du Parc national de la Vallée de la Semois, elle est considérée comme une espèce «parapluie», dont la conservation bénéficie à d’autres espèces vivant dans le même milieu. La protection des habitats aquatiques convenant à la loutre va aussi permettre le développement d’une foule d’espèces (cigogne noire, libellules, batraciens, putois, etc.)
Chaque année, des relevés de terrain sont réalisés pour collecter des indices de présence, comme des empreintes, des excréments et des images de pièges-photos. Depuis mi-2023, plus de 320 000 images ont été collectées grâce à des caméras automatiques le long des cours d’eau, traitées à l’aide de logiciels d’intelligence artificielle.
Connecter les habitats pour une meilleure mobilité
La connectivité des habitats est également cruciale. «La loutre peut parcourir entre 10 et 20 km par jour le long des rivières», indique Vinciane Schockert. En supprimant les obstacles et en aménageant des passages à faune, les déplacements de la loutre sont facilités. Les collisions routières, qui représentent une cause majeure de mortalité dans des régions voisines comme les Pays-Bas, sont aussi un sujet de préoccupation. «Nous devons anticiper ces problèmes en Gaume et en Wallonie», ajoute-t-elle.
La végétalisation des berges et la protection des habitats naturels sont également mises en œuvre pour améliorer la qualité de l’environnement. Ces actions s’inscrivent dans une perspective transfrontalière, comme le souligne Quentin Dubois : «La conservation de la loutre implique une coopération avec nos partenaires luxembourgeois et français pour favoriser la connectivité des habitats.»
La sensibilisation du public est un enjeu majeur pour une cohabitation harmonieuse entre la loutre et les activités humaines. « Respecter la tranquillité de la loutre, surtout pendant la période de reproduction, est essentiel », rappelle Quentin Dubois. Les promeneurs doivent garder leurs chiens en laisse et les kayakistes éviter de faire trop de bruit. Le Parc national de la Vallée de la Semois mettra bientôt en place des animations et actions pédagogiques pour informer le public de l’importance de cette espèce.
Des analyses ADN pour détecter sa présence
Une des innovations récentes dans le suivi de la loutre est l’analyse génétique. En 2022, des prélèvements d’ADN ont été réalisés sur 17 tronçons de la Semois. Ces analyses ont permis de détecter de l’ADN de loutre, confirmant la présence de l’espèce dans des zones où elle avait été observée précédemment. Cette méthode a été étendue à 13 bassins versants en Wallonie, ce qui a permis de relever la présence de loutres dans des régions inattendues.
Le suivi génétique est un outil précieux pour confirmer la présence de l’espèce et sera bientôt publié. « Grâce à cette méthode, nous pouvons aussi localiser la loutre dans des endroits où elle n’avait pas été détectée depuis un certain temps », se réjouit Vinciane Schockert.
Des partenariats étroits
Grâce à des efforts de suivi scientifique, de protection des habitats et de sensibilisation du public, le maintien de cette espèce emblématique témoigne d’une amélioration de la qualité de l’environnement, bien que des défis demeurent. La collaboration transfrontalière joue un rôle clé dans cette dynamique, avec des partenaires flamands, néerlandais et allemands. De plus, un partenariat stratégique avec le WWF, qui a commencé le financement des actions en faveur de la loutre dans le cadre du contrat de rivière avant la création du Parc national, a permis de renforcer ces initiatives. Ce partenariat a pris une nouvelle ampleur depuis l’établissement du Parc national de la vallée de la Semois.
En matière d’actions favorables à la loutre, plusieurs fiches actions du Parc national de la Vallée de la Semois ciblent des éléments essentiels comme la création et la restauration de frayères, la restauration des zones humides, la renaturalisation du lit majeur par la coupe de résineux et la mise en place de forêts feuillues indigènes. Ainsi, l’engagement collectif et la coopération transfrontalière demeurent essentiels pour garantir un avenir durable à la loutre, symbole de la richesse et de l’équilibre naturel de nos écosystèmes
Nicolas Guidi
(L’Avenir)