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Lorraine : un platane «remarquable» protégé à jamais par un testament


Le testament de la propriétaire du terrain sur lequel se dresse ce platane plus que centenaire a pris des dispositions testamentaires pour que celui-ci soit protégé à jamais. Une première. (Photo DR/RL)

Un platane, dont les racines sont plantées à Thiaucourt, en Meurthe-et-Moselle, est désormais protégé par testament. Après une allée de cyprès dans les Pyrénées-Orientales, protégée par un acte de vente notarié, c’est le second cas en France de démarche de ce type.

C’est à n’en pas douter un testament précurseur, sinon unique en France : le 22 mai dernier, une propriétaire de Thiaucourt-Regniéville, en Meurthe-et-Moselle, vient d’imposer à tous les ayants droit successifs de son terrain, une obligation de maintien et de conservation du platane monumental et plus que centenaire qui y est planté. Un végétal par ailleurs labellisé « Arbre remarquable de France » par A.R.B.R.E. S. à l’origine de la Déclaration des Droits de l’Arbre, proclamée symboliquement à l’Assemblée Nationale, le 5 avril 2019.

La protection dont bénéficie cet arbre est valable la vie durant de celui-ci, tant qu’il ne présentera pas de danger. La démarche de cette propriétaire a été rendue possible par un arrêt de la Cour de cassation du 6 juin 2019, confirmant la validité juridique d’une clause de conservation d’arbres, insérée dans un acte de vente notarié. Par extension, cette décision peut désormais être transposée dans tout acte de transfert de propriété de biens immobiliers ; y compris en cas de donation ou, dans le cas d’espèce, de testament.

«Objets de droit»

Le document fera date : lors de son ouverture au décès de la testatrice, « il participera à son niveau, d’une prise de conscience supplémentaire de la place fondamentale des arbres dans notre cadre de vie et du platane en question », explique Me Benoît Hartenstein, président de l’association mosellane La Voix des arbres.

Le caractère extraordinaire de cet événement réside dans le fait que les arbres ne sont, à ce jour, considérés par notre Code civil que comme des « objets de droit » dépendant totalement du propriétaire du terrain sur lequel ils se trouvent. Sauf dans de trop rares exceptions. Un principe sur lequel « notre droit commun est malheureusement déconnecté de la réalité biologique. Les arbres, comme chacun sait, sont des êtres vivants, des biens communs d’intérêt général méritant une protection forte et soutenue », poursuit Me Hartenstein.

«Des êtres qui nous dépassent»

Ce dernier se réjouit de l’évolution en cours : « Désormais, chaque transfert de propriété de biens immobiliers devrait être appréhendé, comme constituant concomitamment, un transfert de responsabilité à l’égard des arbres qui s’y trouvent et qui sont des êtres vivants. Car les règles du Code civil relatives aux arbres ne sont pas impératives. Il est donc possible d’y déroger par la volonté individuelle de tout un chacun, notamment dans le cadre des transferts de biens immobiliers. »

Une manière de reconnaître individuellement, en attendant que la loi l’affirme, que les arbres sont bien « des êtres qui nous dépassent dans l’espace et dans le temps, enrichissant les sols, filtrant les particules fines, captant le CO2, produisant de l’oxygène pur, abritant une biodiversité foisonnante, améliorant encore notre santé physique et psychique, etc. », conclut encore le juriste.

Hervé Boggio (Le Républicain lorrain)