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Lorraine : le ras-le-bol des gardiens de prison


«Physiques ou verbales, les agressions sont quotidiennes», avance un agent de Sarreguemines. (photo archives RL)

Les surveillants de prison lorrains dénoncent des conditions de travail qui ne cessent de se dégrader. «Notre métier est devenu ingrat», estiment-ils.

Ils se sentent peu considérés. Les surveillants de prison sont montés à Paris pour manifester sous les fenêtres de la garde des Sceaux. Signe du malaise, ils pourraient remettre ça jeudi. Leur message: «On n’en peut plus!»

Une anecdote. « Lorsque je vais à des pots de départ ou des cérémonies, il y a des remerciements adressés à tous les services de l’État. Sauf un  : l’administration pénitentiaire. On ne pense pas à nous. Jamais. On ne nous voit pas. On n’existe pas… » Hormis quand il y a un problème. « Ah oui, là, on nous tombe dessus et on ne nous rate pas. » Fadila Doukhi (déléguée régionale FO pénitentiaire) résume en peu de mots ce qui ronge les surveillants de prison. Une forme de mal-être qui ne franchit pas souvent les hautes murailles des centres. « Les murs de la honte. Mais la réalité, c’est que les gens nous jugent sans nous connaître. »

Qui sont ces fonctionnaires qui, souvent, sont arrivés là par défaut? « Des hommes qui gèrent de l’humain. C’est une mission difficile, à la base. Qui est devenue de plus en plus compliquée. » Par manque de moyens. Par des rapports davantage tendus avec les détenus. « Une prison, c’est une petite société. On connaît à peu de chose près les mêmes maux qu’à l’extérieur », commente un surveillant messin. « En ce qui nous concerne, la loi de 2009 a changé beaucoup de choses. On a de nouvelles missions, comme l’extraction judiciaire, qu’il faut gérer alors qu’on n’a pas plus d’effectifs. Rien. Bien au contraire. On souffre d’un sous-effectif chronique. On n’en peut plus », considère Fadila Doukhi.

Burn-out, suicides et démissions

Le 22 octobre, plus de 2  000 surveillants ont manifesté à Paris sous les fenêtres du ministère de la Justice. Tous les syndicats étaient réunis. Une première qui raconte la gravité de la situation. Ça gronde, ça gronde… « Il y a une dégradation profonde de notre métier, qui est devenu ingrat. Il n’y avait pas ce sentiment auparavant. Tout le monde s’interroge sur le sens de tout ça , reprend la syndicaliste. Comment donner un objectif à notre travail et à la réinsertion? Parce que c’est une mission essentielle  : il y a la surveillance des détenus mais aussi la réinsertion. En France, c’est comme ça, les détenus doivent sortir de prison. Mais on fait comment? Avec quels moyens? Comment on les accompagne? »

Fadila Doukhi a un profond respect pour cette fonction qu’elle « aime. Oui, vraiment, je suis fière de mon administration. Mais ça n’empêche pas de poser un juste constat. »

Où le surveillant se débat dans un univers carcéral violent. « Physiques ou verbales, les agressions sont quotidiennes. On s’en prend plein la tronche. Il n’y a plus aucun respect , évoque un agent de Sarreguemines. Tous les surveillants n’ont pas été victimes de violences physiques, mais tous ont assisté à des bagarres et des coups. Les interventions sont régulières pour soutenir un collègue. Il n’y a personne d’autre pour nous aider. »

Le malaise est palpable. Le nombre d’arrêts maladie explose. « Les burn-out sont fréquents. Des collègues vont jusqu’au suicide. Les chiffres sont désespérants  : le taux de suicide dans notre corporation est supérieur de 21  % au reste de la population. Et chose nouvelle, nous connaissons beaucoup de démissions. Les jeunes essayent mais subissent le choc du monde carcéral , expose Fadila Doukhi. Ce n’est jamais évident d’être enfermé. Et ils finissent par jeter l’éponge. Effrayés par le rythme de travail et le climat derrière les murs. Quand il commence, un jeune gagne 1  400  euros net. Il préfère travailler ailleurs. »

Alors, on fait quoi? « Il faut des moyens. » Une publicité annonce l’embauche de 1  500  personnes. « Mais c’est pour les prisons en construction. Ça n’est même pas suffisant pour remplacer les départs en retraite. » Au sujet de la réinsertion des détenus, Fadila Doukhi espère voir « tout le monde se mettre autour d’une table. Avocats, magistrats, surveillants, élus  : il est nécessaire de parler. » Parce qu’aujourd’hui, dit la syndicaliste, il s’agit de « repenser la prison. » Rendez-vous probablement jeudi, pour d’autres manifestations.

Kevin Grethen (Le Républicain lorrain)