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Lorraine : le personnel hospitalier au bord de la rupture


Brancardiers, infirmiers, aides-soignants, personnel administratif, internes, médecins, tous sont logés à la même enseigne. (Photo : RL)

Confronté au sous-effectif, le personnel des hôpitaux lorrains est à bout. Sylvie, aide-soignante, a tenté de mettre fin à ses jours. Caroline, sage-femme, est en burn-out. Rebecca, sage-femme elle aussi, veut changer de voie.

De retour d’une très mauvaise journée de travail, il y a quelques mois, Sylvie a avalé des comprimés. En grand nombre. « Je ne voulais pas mourir. C’était un appel au secours », confie cette aide-soignante au teint pâle et aux quinze années d’ancienneté. Visage émacié, Caroline, sage-femme depuis plus de vingt ans, est quant à elle passée par la case burn-out. « Un jour où j’avais cinq dossiers à traiter en même temps, j’ai eu un grand trou noir. Je n’entendais plus rien. Ne comprenais plus rien. »

Air mi-grave, mi-désabusé, sa collègue Rebecca, dans le métier depuis moins de dix ans, envisage déjà une reconversion : « J’aime mon travail mais pas ce qu’il y a autour. Je n’éprouve plus de plaisir. »

Sous anonymat « par peur des représailles », ces trois soignantes lorraines tirent la sonnette d’alarme sur la dégradation des conditions de travail dans les hôpitaux. « Il faut faire du chiffre tout le temps. L’hôpital est devenu une entreprise où il n’y a plus de patients mais des clients. Il n’est plus question d’humain », lâche Sylvie, amère.

« Nous ne sommes plus que des matricules. On ne gère plus des patients, mais des lits. C’est la course à la performance pour réduire à tout prix le temps d’hospitalisation », regrettent les deux sages-femmes. Elles décrivent des journées de douze heures « sans manger ni aller aux toilettes » ; des week-ends qui s’enchaînent, « jusqu’à sept d’affilée », constate Rebecca ; des semaines de plus de 60 heures sur cinq jours travaillés. Et des journées de repos passées la boule au ventre à l’idée d’un coup de téléphone. « On nous rappelle constamment pour pallier une absence. Parfois jusqu’à trois fois par jour », décrivent celles qui n’osent plus décrocher.

Leurs salaires ont beau n’avoir rien de mirobolant (1 500 € net pour l’aide-soignante quinquagénaire, 2 100 € net pour la sage-femme trentenaire), elles n’en parlent jamais. Le mal est bien plus profond. Entre les départs à la retraite non remplacés, les arrêts maladie en cascade et les plans d’économies, le sous-effectif est devenu un mal chronique.

Sur un bout de papier, elles ont dressé la liste de tout ce qui ne va plus. Un inventaire à la Prévert. Explosion des heures supplémentaires ; non-prise en compte des desiderata de plannings ; personnel administratif parachuté soignant du jour au lendemain ; embauches de CDD corvéables à merci s’ils veulent voir leur contrat renouvelé ; refus d’accorder des jours enfants malades ; recrudescence des tâches administratives ; turnover constant du personnel d’un service à l’autre au mépris de tout savoir-faire et de la cohésion d’équipe ; montée de l’agressivité entre personnels ou avec les patients et pression permanente des cadres, eux-mêmes sous pression de leur direction.

Brancardiers, infirmiers, administratifs, aides-soignants, internes, médecins, tous sont logés à la même enseigne. En novembre et en mars, ils sont descendus dans les rues lorraines pour exprimer un mal-être dont le patient est la victime collatérale. « Beaucoup de membres du personnel n’ont plus l’empathie et la conscience professionnelle nécessaires », reconnaît Sylvie.

Philippe Marque (Le Républicain Lorrain)

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