Les yeux encore gonflés de sommeil, Loris Lepagnol, à peine 20 ans et déjà pilote de montgolfière, affiche un grand sourire quand il parle de sa vie à plusieurs centaines de mètres au-dessus du sol. Présent à Enenvol, il alterne entre vols commerciaux, repos et entretien du matériel. Un quotidien vraiment pas banal…
«Mon père est pilote, donc j’ai volé la première fois, j’étais tout petit. Et puis dès que j’ai pu, j’ai passé ma licence de pilote de montgolfière». Aucune hésitation dans la voix de Loris Lepagnol, les cheveux encore en bataille d’une courte sieste matinale. Il faut dire que le rythme journalier est soutenu : réveil à 4 h 30, briefing des pilotes une heure plus tard pour savoir si les vols du matin sont autorisés selon la météo.
Si le feu vert est donné, les premières montgolfières décollent vers 6 h 30 aux lumières aurorales. Après le vol du matin, retour au camp, repos et maintenance de l’équipement. En attendant le briefing du soir pour un possible vol en début de soirée. Émerveillement garanti !
Et même quand on avoisine les 200 heures de vol comme Loris, la déception ou la lassitude n’existent pas : «J’ai déjà volé avec 45 ballons mais ici, à Chambley c’est un autre niveau. Et puis en ballon, tu as beau être dans un secteur que tu connais, tu ne peux jamais savoir comment le vol va se passer exactement. Les conditions météorologiques ne sont jamais les mêmes. On étudie bien sûr les prévisions, mais tu n’es jamais certain d’atterrir dans le terrain que tu avais prévu», explique le jeune homme qui se rappelle aussi la fois où il a dû poser son ballon de plusieurs centaines de kilos avec un vent à 50 km/h!
Ce jour-là, le vent se lève un peu avant l’atterrissage. La nacelle est secouée dans tous les sens. Les passagers se mettent en position de sécurité, dos contre la paroi et mains dans les sangles à l’intérieur. Loris pose sans encombre le ballon dans un champ avec juste une grosse frayeur en souvenir.
L’été en France, l’hiver en Australie
Durant la saison estivale, d’avril à novembre, et quand il n’est pas en Lorraine, Loris travaille comme pilote de vols commerciaux dans la société de son père dans les Hautes-Alpes. Deux fois par jour, il balade les touristes au-dessus du lac de Serre-Ponçon et des environs.
Sa sœur, sa mère et son cousin bossent aussi dans l’entreprise. La passion est familiale et contagieuse, l’envie de faire découvrir la Terre vue du ciel devient une évidence : «J’ai proposé à tous mes potes de voler avec moi ou d’être équipier au sol, pour récupérer la montgolfière après le vol. Quelque uns sont motivés pour passer le diplôme et devenir pilote.»
L’hiver, le froid, l’humidité et la neige empêchent de voler : gonfler le ballon demande beaucoup de gaz, la toile s’abime plus vite… Début décembre, Loris «migre» à presque 17 000 kilomètres de chez lui, en Australie. C’est l’été dans l’hémisphère sud, saison idéale pour faire voler ces géants des airs grâce à une très bonne stabilité météorologique : pas de vent, faibles températures le matin et le soir… Des conditions qui autorisent jusqu’à 25 décollages par mois.
Une carrière toute tracée? Non, pas forcément. Le jeune homme aspire à devenir pilote de ligne en intégrant l’École Nationale de l’Aviation Civile, l’ENAC, formation d’État gratuite et sur concours. En attendant, Loris enchaîne les heures de vol, se forge une expérience et accumule les souvenirs hors du commun : «En tant que passager, j’ai fait un vol de nuit au-dessus de Berlin. Dans la banlieue, les usines font comme des fournaises, on croyait survoler l’enfer. Et puis on sort et c’est la campagne. Au soleil levant, on entend les oiseaux… on passe du tout au tout, c’était vraiment magique», sourit Loris, une pointe de nostalgie dans la voix.
Il y a aussi eu ce vol dans les Alpes, à 4 000 mètres d’altitude, où les montagnes ne sont plus que des miniatures. Le jeune pourrait en parler toute l’après-midi, mais le briefing du soir va bientôt débuter et il doit dormir avant de, peut-être, quitter le plancher des vaches au crépuscule et se rapprocher des étoiles.