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Longwy : les travailleurs frontaliers examinés à la loupe


(Photo : Le Républicain Lorrain)

Plus de quarante ans de recherches, et une décennie – 2010-2020 -, passée à analyser le travail frontalier dans trois domaines particuliers : le dernier livre de Jean-Luc Deshayes, « Je travaille au Luxembourg », permet de « lire Longwy, son histoire, et ses transformations ».

Professeur émérite en sociologie à l’Université de Tours, Jean-Luc Deshayes n’en oublie pas pour autant Longwy, où il a effectué une grande partie de sa carrière et où il réside une bonne partie du temps. Son dernier livre, Je travaille au Luxembourg , socio-histoire d’un espace transfrontalier de qualification, sorti aux Presses universitaires de Lorraine, en est une preuve de plus. Il se nourrit notamment de plus de quatre décennies de recherches sur le territoire.

Mais pas seulement. « Pour cet ouvrage, je me suis penché sur les banques, le travail social et la sidérurgie sur la période 2010-2020. Je suis parti de réflexions liées à ce que j’entendais. À la question “Qu’est-ce que tu fais ?” ou “Qu’est-ce que tu deviens ?”, les habitants des zones frontalières françaises, qui représentent parfois plus de la moitié de la population active, répondent souvent : “Je travaille au Luxembourg.” Comme si le lieu d’emploi devenait plus important que la profession ou le contenu du travail. »

Ce qui dénote par rapport à l’époque de la sidérurgie. « Il y a cinquante ans, on disait : “Je suis lamineur”, ou “haut-fourniste”. C’était des métiers reconnus par tous, et ça donnait une forme de prestige. »

«De nouvelles frontières de l’emploi»

L’hypothèse centrale du livre peut se résumer en une phrase : « L’évolution de l’emploi aux frontières révèle de nouvelles frontières de l’emploi, celles d’un passage en tension de la qualification à l’employabilité, c’est-à-dire d’une qualification inscrite dans des droits collectifs liés à l’emploi à une évaluation individualisée et récurrente comme condition d’accès à l’emploi. Au final, tout ceci permet de réfléchir aux rapports de force entre travail et capital, mais aussi de lire le territoire et ses changements. »

«La violence des déclassements»

Jean-Luc Deshayes s’est appuyé sur des dizaines d’entretiens avec des anciens étudiants de l’Institut universitaire de technologie (IUT) de Longwy qui travaillent aujourd’hui au Luxembourg, des directeurs de ressources humaines de banques, des anciens ouvriers de la sidérurgie longovicienne, des éducateurs, ou encore des syndicalistes. « Le travail se précarise, se fragilise, s’individualise, se taylorise. Comme le disait le sociologue Yves Grafmeyer : “Ce qui se construit et qui se dit dans les discours sur la mobilité, c’est l’appropriation des mouvements de catégorisation qui ont brutalement évolué et remis en cause les cadres quotidiens, les appartenances collectives, les conditions de mobilisation. » De quoi s’interroger sur « la violence des déclassements » et « la dévalorisation matérielle et symbolique des ouvriers ».