La Fondation Solange Bertrand amène l’art à l’école depuis 2001, auprès de tous les publics, dans l’esprit de l’éducation populaire. Elle cherche à se faire connaître au Grand-Duché désormais.
Solange Bertrand devait avoir du caractère pour revendiquer le statut d’artiste dès 1934. Elle entre alors aux Beaux-Arts de Nancy, dans un milieu d’hommes et d’élite. Près d’un siècle après, une fondation porte son nom à Longwy. Il y a de cet esprit qui pétille, chez les trois femmes qui l’animent aujourd’hui!
Il faut monter les escaliers de l’école Albert-Ier, jusqu’au dernier étage, d’où une jolie vue se dégage. Longwy paraît étrangement vert vu de haut. Dans les salles, des tables d’écolier d’antan, des pinceaux, de la peinture… une cuisine. «Nous sommes dans un ancien appartement, sourit Nadia Precheur, médiatrice culturelle à la fondation. C’est bien d’être dans une école pour recevoir les élèves, mais c’est parfois petit.»
L’art (vraiment) pour tous
La fondation, reconnue d’utilité publique par le gouvernement français, «apporte l’art à l’école, explique sa directrice Valérie Dexemple. À tous les publics, mais plus particulièrement aux milieux défavorisés.» À travers les anecdotes, on comprend qu’un enfant est en hébergement d’urgence, l’autre a des difficultés scolaires prononcées, un autre encore est un primo-arrivant. «Ça arrive qu’en marge de l’art on aide à remplir des dossiers pour éviter les expulsions», glisse Valérie Dexemple.
Bien implantée dans le Pays-Haut – avec un projet pour rayonner jusqu’à Audun-le-Tiche – la fondation souhaite désormais se faire connaître au Grand-Duché. «Nous avons un partenariat en veille du côté d’Ettelbruck, précise la directrice. Mais nos ateliers culturels pourraient séduire bon nombre de structures jeunesse au Grand-Duché.» Sans compter que l’association est éligible au mécénat !
Alexandra Paton, également médiatrice à la fondation, détaille le fonctionnement. «Nous intervenons auprès d’enfants âgés de 2 à 15 ans. Toutes les médiations se déroulent sous forme d’ateliers, sur une séance, une semaine ou toute une année. Les séances durent environ deux heures. L’idée clef est de développer une sensibilité à l’art, soit en accueillant les enfants ici, soit en se déplaçant dans les écoles.» Percevoir, s’interroger, imaginer, créer. Que ce soit avec Picasso, Kusama ou Nicolas Klein, tiens, «pour être dans l’actualité du Pompidou de Metz! Nous mêlons histoire et pratique de l’art auprès des enfants», précise Nadia, diplômée en histoire de l’art justement, et passée par le MNHA à Luxembourg.
Un esprit différent
Des structures proposent déjà de la médiation culturelle au Grand-Duché. Elles sont nombreuses même, avec des ateliers «branchés» dans tous les festivals d’art urbain du pays. Mais on y retrouve rarement cet esprit qui se ressent à Longwy : une éducation à l’altérité, à la complexité de la société via l’art, dans la ligne du mouvement de l’éducation populaire français. Avec ces quelques tables anciennes où les pinceaux remplacent l’encrier, dans un appartement d’un dernier étage qui semble inoccupé et finalement… si plein de vitalité! «Solange Bertrand a elle-même participé à sa fondation jusqu’en 2011, année de son décès, précise Valérie. Il y avait l’idée que l’art avec le jeune public pouvait dépasser le bouchon de liège dans la peinture.» «Même avec un enfant qui sait tout juste parler, poursuit Alexandra, on peut stimuler le sentiment artistique. Où sont les yeux du portrait ? Quelle est leur forme, pourquoi cette forme inattendue? Vous obtenez des échanges surprenants en présentant les Trois musiciens de Picasso !» «Il y a toujours l’idée de restitution, conclut Nadia. Nous apprenons aux enfants à restituer un travail, en incluant les parents dès que l’on peut.»
Solange Bertrand avait le goût des autres, que l’on retrouve encore dans l’appartement de ses «héritières». Sans aucun doute, cet élan ne devrait pas connaître de frontières !
Hubert Gamelon
Contact : www.fondationsolangebertrand.