Après deux ans d’enquête dans trois municipalités remportées par le Front national en 2014, Valérie Igounet, historienne, et Vincent Jarousseau, photographe, publient « L’illusion nationale », roman-photo donnant la parole aux habitants de ces villes laboratoires pour le parti qui espère conquérir l’Elysée en mai.
Reprenant les codes traditionnels du roman-photo, le livre, publié par Les Arènes et XXI, présente une galerie de portraits, électeurs du Front national de Hayange, Hénin-Beaumont et Beaucaire, mais aussi élus, opposants, et quelques déçus de la politique municipale frontiste.
De la première fête du cochon organisée à Hayange par le maire Fabien Engelmann, à la discussion entre une mère et sa fille, toutes deux électrices frontistes mais la plus jeune plus proche des idées de Marion Maréchal-Le Pen que de sa tante, les deux auteurs rapportent les paroles brutes d’une France « assez peu représentée », mais dont la « soif d’expression est très forte ».
Dans ces mots – que tous les « personnages » ont pu relire, deux thèmes omniprésents : la satisfaction d’une ville propre, où les fleurs reviennent et où la police fait des rondes, et le rejet des populations d’origine étrangère, qui auraient « tout » quand les habitants de ces villes populaires n’ont « rien ».
« Le barrage va finir par céder »
Mais on entend aussi des « repentis », comme les appellent les auteurs, des hommes et des femmes séduits un temps par le FN, entrés à la mairie avec le parti, et qui dénoncent aujourd’hui une organisation politique comme les autres.
Pour réunir ces témoignages, Vincent Jarousseau et Valérie Igounet sont venus, longuement, dans les trois villes, établir une relation « de confiance » avec ces gens « qui font la politique, ces gens qui mettent un bulletin dans l’urne ». A quelques semaines de la Présidentielle, ils espèrent que leur ouvrage sera lu – avec attention – par les candidats. « On a l’impression que la classe politique traditionnelle n’a absolument pas compris », pointe Vincent Jarousseau.
« Il ne s’agit pas de faire barrage au FN. Élection après élection, on fait barrage au FN mais le problème c’est que si entre les deux on ne fait rien, le barrage va finir par céder ». « En plus, la classe politique s’adapte à ce parti ! », réagit Valérie Igounet. « C’est ça qui est dingue. Depuis 2007, et encore plus depuis les primaires, il y a une sémantique commune. Aujourd’hui, le rapport s’est inversé entre le FN et Les Républicains, la dépendance politique n’est plus la même. »
Le Quotidien/AFP