Le Luxembourg emploie 107 300 frontaliers français qui viennent y chercher un revenu confortable et la possibilité d’évoluer rapidement. Mais est-ce encore le cas?
Le Luxembourg est-il encore un eldorado financier pour les frontaliers? Avec un salaire brut annuel moyen de 64 932 euros en 2020, le Grand-Duché se place toujours en tête du classement des pays de l’Union européenne. En France, il est de 39 346 euros, soit peu ou prou 42 % de moins.
Mais cet écart tend à s’amenuiser si l’on tient compte de la valeur du pouvoir d’achat. En effet, il apparaît que le salaire brut moyen en France, s’il représente 58 % du salaire brut moyen luxembourgeois, passe à 67 % si l’on ajuste rémunération et pouvoir d’achat entre un résident français et un résident luxembourgeois. Travailler au Luxembourg et vivre en France reste donc la meilleure option.
Début 2021, ils étaient 107 300 frontaliers français à passer la frontière tous les jours pour aller travailler au Grand-Duché qui, en dépit du ralentissement de l’activité économique généré par la crise sanitaire, conserve un marché de l’emploi dynamique et une politique salariale attractive. Pourtant, la règle du «fois deux» qui consistait à doubler son salaire pour qui travaillait au Grand-Duché n’est plus la règle pour tous.
«Les écarts entre la France et le Luxembourg s’amenuisent», confirme Karine, 52 ans, formatrice de l’autre côté de la frontière depuis vingt ans, auprès de demandeurs d’emploi notamment. Et de reprendre : «Une secrétaire médicale ayant suivi une formation spécifique peut prétendre au salaire minimum qualifié (2 642,32 euros brut). On est loin du fois deux! D’autant qu’au Luxembourg, la durée hebdomadaire légale de travail n’est pas 35 mais 40 heures».
Huit par jour… sans les trajets
«On m’a proposé un CDI et un salaire de 2 000 euros net par mois, alors j’ai foncé, jusqu’à ce que je réalise qu’un temps plein, c’est 8 heures par jour sans les trajets…», se souvient Sarah, 23 ans, éducatrice en crèche à Strassen pendant un an. Éric, 60 ans, possède plusieurs salons de coiffure à Thionville et au Luxembourg. Pour lui, aucun doute, recruter au Grand-Duché est plus simple. «Quand on cherche un coiffeur en France, on trouve difficilement parce qu’ils veulent tous venir ici.» La raison? «Un salaire mensuel de 2 000 euros net.»
«On y va pour l’argent, c’est sûr, témoigne Magali, 39 ans, agent d’assurances à Luxembourg depuis dix ans. Mais très vite, le piège se referme. On a le niveau de vie qui va avec et il est difficile de faire machine arrière.»
Comme le souligne Karine, formatrice au Grand-Duché depuis vingt ans, «aujourd’hui, l’enjeu pour un frontalier qui travaille au Luxembourg depuis quinze ou vingt ans est de ne pas perdre son job parce que les salaires à l’embauche n’ont plus rien à voir avec ce qu’ils étaient à l’époque».
« J’ai perdu 30 % de salaire par mois, indique Christophe, 56 ans, réembauché comme employé administratif dans une banque au Luxembourg après avoir été licencié en 2019. Pour moi, aujourd’hui, la seule raison valable de continuer est le télétravail, à condition bien sûr que cette pratique survive au Covid et s’ancre durablement.»
Le Républicain Lorrain
Multiplier son salaire par deux ou trois, c’est encore possible
L’Institut national de la statistique et des études économiques du Luxembourg (Statec) vient de publier un rapport sur l’attractivité des salaires au Luxembourg, comparant, chiffres à l’appui, les écarts qui existent entre le Grand-Duché et ses voisins.
Industrie : ce n’est pas en travaillant dans le secteur industriel au Luxembourg qu’un frontalier français doublera son salaire. D’autant qu’au Grand-Duché la durée légale du temps de travail est de 40 heures/semaine quand il est de 35 heures (sauf accords d’entreprises) en France. Au Luxembourg, le salaire annuel brut moyen est d’environ 50 000 euros quand il est de 40 000 euros en France et de plus ou moins 45 000 euros en Allemagne.
BTP : Le secteur du bâtiment et des travaux publics, dans son ensemble, n’est pas non plus beaucoup plus rémunérateur qu’en France. Le revenu annuel moyen brut se situe autour de 40 000 euros. Il est de 35 000 euros en France et de 45 000 euros en Belgique!
Horeca : le secteur de l’hôtellerie, restauration et café est le parent pauvre au Grand-Duché avec les niveaux de salaire les plus bas du Luxembourg. Le salaire brut annuel moyen est de 35 000 euros. Il est de 30 000 euros en France.
Santé publique et action sociale : la santé est un des secteurs professionnels qui emploient le plus de frontaliers au Luxembourg, opposant à la France notamment l’attractivité des salaires et des conditions de travail bien souvent meilleures. Au Grand-Duché, le revenu brut annuel moyen est de 68 000 euros; il est deux fois moindre en France.
Banque et assurance : les «cols blancs» sont les rois du pétrole au Grand-Duché, connu pour être une place financière internationale. Le manque de personnels qualifiés au Grand-Duché oblige les holdings à faire monter les enchères pour attirer les jeunes diplômés. Les salaires s’envolent, puisque la moyenne brute annuelle se situe entre 90 000 et 100 000 euros. À titre de comparaison, en France, elle se situe entre 50 000 et 60 000 euros brut.
Enseignement : c’est là sans doute que l’écart est le plus vertigineux entre la France et le Luxembourg. Au Grand-Duché, le salaire brut annuel moyen est plus ou moins de 100 000 euros quand il est de 35 000 euros en France. En Allemagne et en Belgique, la jauge moyenne est plus ou moins de 45 000 euros.