L’épouse du Français Serge Atlaoui, condamné à mort pour trafic de drogue, refuse de croire que son mari sera passé par les armes en Indonésie, où les craintes se multiplient face à l’imminence de son exécution, aux côtés d’autres étrangers dans le couloir de la mort.
« C’est tellement fort qu’on fait tous abstraction de tout ce qui nous entoure, on n’a de yeux que les uns pour les autres », confie Sabine Atlaoui, à propos des moments passés avec son mari en prison. (Photos : AFP)
Serge Atlaoui, 51 ans, est détenu depuis 2007 à la prison « Pasir Putih » (« sable blanc »), l’un des établissements de haute sécurité de l’île de Nusakambangan, surnommée « l’Alcatraz indonésien », au sud-est de Java.
Partisan affiché de la peine de mort, le président indonésien Joko Widodo a rejeté en janvier la demande de grâce présidentielle déposée par le Français. Mais la famille du père de quatre enfants a introduit un recours en justice et refuse de croire que tout est perdu.
Deux Australiens condamnés pour trafic de drogue, Andrew Chan et Myuran Sukumaran ont été transférés de Bali vers l’île de Nusakambanan cette semaine. Leur transfèrement est le signe que leur passage devant le peloton d’exécution se rapproche, tout comme celui des autres étrangers condamnés pour trafic de drogue.
Parmi ces derniers figurent des condamnés originaires du Brésil, des Philippines, du Ghana et du Nigeria. Leurs recours en grâce présidentielle ont tous été rejetés récemment et l’exécution des condamnés, qui devrait être simultanée, semble imminente, selon des sources proches du dossier.
Mais Sabine Atlaoui, qui a rendu visite à son époux dans sa prison cette semaine, se refuse à croire que c’était la dernière fois qu’elle le voyait. « Bien sûr qu’on est inquiets », a-t-elle déclaré jeudi à Cilacap, la ville portuaire où la famille patiente en attendant les visites. « Mais je garde toujours espoir. Au jour d’aujourd’hui, je ne pense pas (….) qu’on puisse arriver à une exécution » en raison du recours qui doit permettre de « démontrer la vérité sur la situation de mon mari », ajoute-t-elle.
> « Situation traumatisante »
Son époux, originaire de Metz, avait été arrêté en 2005 lors d’une opération de police dans un laboratoire de production d’ecstasy, dans la banlieue de Jakarta. Le Français a toujours démenti tout trafic de drogue et assure qu’il installait des machines dans ce qu’il pensait être une usine de production d’acrylique. Serge Atlaoui avait été condamné dans un premier temps à la prison à perpétuité, mais la Cour suprême avait aggravé la sanction en 2007.
Les avocats du Français cherchent maintenant à obtenir de la Cour suprême une révision de sa sentence. Une audience est prévue dans ce cadre le 11 mars. Depuis l’arrivée au pouvoir en octobre du président Widodo, les autorités font acte de diligence dans l’exécution de dizaines d’Indonésiens et d’étrangers dans le couloir de la mort pour des affaires de drogue. La législation de ce pays en la matière est l’une des plus sévères au monde. Six condamnés parmi lesquels cinq étrangers ont été exécutés le 18 janvier.
Sabine Atlaoui a rendu visite à son époux plusieurs fois depuis sa condamnation, contrairement à la famille des deux Australiens, mais elle comprend les affres auxquels sont soumis les proches. « On est tous des humains, on est en train de tous vivre une situation très traumatisante en tant que famille. On est tous là avec nos émotions, nos peines et nos craintes », dit-elle.
Serge Atlaoui est parfaitement au courant de la situation et de la posture politique du nouveau président vis-à-vis des trafiquants de drogue, et les exécutions de cette année ont fait grimper l’anxiété au sein de la prison, explique sa femme. Mais lors de sa dernière visite, en compagnie de trois de ses enfants et de deux proches, tout le monde a mis ses peurs de côté. « L’atmosphère est vraiment intense, il y a des rires. C’est tellement fort qu’on fait tous abstraction de tout ce qui nous entoure, on n’a de yeux que les uns pour les autres », dit-elle.
Le retour à la réalité se fait toutefois rapidement sentir. Aujourd’hui, elle éprouve la même chose que le jour où elle a appris son arrestation. « Je n’arrive toujours pas à croire à cette histoire », assure-t-elle.
AFP