Fessenheim fermera-t-elle ? Le sort de la doyenne des centrales nucléaires françaises est au menu d’un conseil d’administration d’EDF jeudi, qui devra se prononcer lors d’un vote au résultat incertain sur cette promesse de François Hollande, attendue par les écologistes mais conspuée par les syndicats.
L’approbation de la demande d’abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale alsacienne, située dans le Haut-Rhin, requiert un vote du conseil d’administration d’EDF à la majorité simple. Un grand suspense entoure cette décision car l’issue du vote dépendra du positionnement des six administrateurs indépendants, parmi lesquels le PDG Jean-Bernard Lévy dont la voix compte double. En situation de conflit d’intérêts, les représentants de l’État ne se prononceront pas, selon le groupe détenu à 83,10% par des capitaux publics. Les six représentants des salariés sont quant à eux hostiles à une mesure qu’ils estiment excessivement coûteuse et préjudiciable à quelque 2 000 emplois directs et indirects (dont 850 salariés d’EDF sur le site), à l’instar d’élus locaux.
« La balle est dans le camp des indépendants, les administrateurs salariés étant tous opposés », a indiqué une source proche du dossier. « Un seul administrateur indépendant peut faire basculer le vote. » Selon elle, l’incertitude liée à l’élection présidentielle, dont le premier tour est prévu le 23 avril, pourrait susciter des doutes sur l’opportunité d’engager « une procédure irréversible ». Une autre source au fait du dossier juge également incertaine l’issue du vote du conseil.
Mise en service à partir de 1977, la centrale est située sur une faille sismique et suscite depuis des années l’inquiétude des défenseurs de l’environnement comme des pays limitrophes, l’Allemagne et la Suisse. Le président François Hollande avait fait de sa fermeture une promesse phare de sa campagne électorale, la fixant d’abord à fin 2016 avant d’en repousser le délai avant la fin de son quinquennat. L’arrêt effectif de Fessenheim interviendrait désormais à l’horizon 2019, EDF voulant la faire coïncider avec la mise en service commercial de l’EPR en construction à Flamanville (Manche).
Longue procédure
La loi de transition énergétique plafonne en effet les capacités de production nucléaire à l’échelle nationale à leur niveau actuel de 63,2 gigawatts, conditionnant de fait l’injection de nouveaux électrons sur le réseau à l’arrêt d’une centrale nucléaire de puissance équivalente. Mais le sort de Fessenheim et ses deux réacteurs de 900 mégawatts se profile également comme un enjeu de l’élection présidentielle, les différents candidats étant partagés sur la nécessité de fermer l’installation.
Le gouvernement a pour sa part dit déjà réfléchir à l’avenir du site, notamment pour rassurer sur l’emploi. Si elle est entérinée, la fermeture anticipée de Fessenheim donnera droit à une indemnisation pour EDF : les administrateurs avaient adopté de justesse, le 24 janvier, un protocole d’accord conclu avec l’État français, prévoyant le versement d’un montant d’au moins 489 millions d’euros. Les administrateurs avaient alors subordonné la présentation de la demande d’abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale à trois conditions, désormais réunies. Elles comprennent l’absence d’opposition de la Commission européenne à l’accord d’indemnisation, l’autorisation de poursuivre la construction de l’EPR de Flamanville et la possibilité de continuer à exploiter le réacteur 2 de la centrale de Paluel (Seine-Maritime).
La demande d’abrogation doit ensuite faire l’objet d’un décret gouvernemental entérinant la fermeture du site. Après quoi EDF doit préparer la déclaration de mise à l’arrêt de Fessenheim, un volumineux dossier contenant tout le plan de démantèlement, élaboré en lien avec l’Autorité de sûreté nucléaire, avant sa transmission à l’exécutif. Cette étape précèdera le décret de démantèlement, qui pourra être pris après arrêt de la centrale et enquête publique, au plus tard dans les deux ans suivant la déclaration de mise à l’arrêt.
Le Quotidien/AFP