Opérée dans une clinique à Lunéville, cette mère de famille avait téléphoné au « 15 » quatre jours après l’intervention, à la suite de douleurs. Le Samu l’a invitée à se rendre à l’hôpital par ses propres moyens. Transportée par un proche, la patiente est décédée devant le sas des urgences lunévilloises.
Y a-t-il un lien entre la mort de cette mère de famille, l’intervention chirurgicale qu’elle a subie quatre jours plus tôt et le traitement de son appel au centre «15» ? Anéantie de douleur, la famille l’est aussi par une avalanche de questions. Le jeudi 14 mars, vers 7h, Maryse Rabah-Otmani, une mère de deux enfants, âgée de 56 ans, entre à la clinique Jeanne-d’Arc, à Lunéville. Pour une ablation (cholécystectomie) de la vésicule biliaire sous cœlioscopie. En ambulatoire. A priori, l’intervention se déroule sans «événements indésirables».
La patiente est autorisée à quitter la clinique le jour-même, à 15h. «Faible, nauséeuse, souffrant de douleurs, elle avait du mal à marcher», observe un proche, qui assure le retour à la maison, à Barbas (Meurthe-et-Moselle). Pas d’inquiétude particulière, cependant. «Après une telle opération, ça pouvait sembler normal d’avoir encore mal».
Ordonnance d’antalgique par téléphone
Le vendredi 15 mars, la douleur se fait plus intense. La patiente téléphone à la clinique. Conformément à un courrier qui lui avait été remis et dans lequel sont mentionnés les numéros du service de chirurgie digestive et celui du SAMU. «En cas d’extrême urgence, appeler le 15 […]», précise ledit courrier.
À Jeanne-d’Arc, on lui prescrit, par téléphone, un antidouleur dérivé d’opiacés. Plus costaud que le paracétamol. L’ordonnance est faxée à la pharmacie la plus proche du domicile. Le mari ira chercher les médicaments. Malgré le traitement, les douleurs ne cessent pas.
Dimanche 17 mars, en fin d’après-midi, le mal est devenu insupportable. L’état de santé de la quinquagénaire s’est visiblement dégradé. À tel point que ses proches, inquiets, décident d’appeler non plus la clinique mais le «15».
Pronostic vital engagé dans la voiture
«Elle avait mal partout», précise l’un de ses enfants. L’opératrice du SAMU s’entretient avec la famille ainsi qu’avec la patiente. «On lui a demandé si quelqu’un était en mesure de la conduire aux urgences à Lunéville, ce qui était le cas», indique-t-on dans le cercle familial. Le SAMU ne juge pas nécessaire d’envoyer une ambulance ou une équipe médicale pour une prise en charge à domicile.
Un proche embarque alors la quinquagénaire à bord de son véhicule et fonce vers les urgences de l’hôpital de Lunéville, à une demi-heure de route de Barbas. À moins de 5km de l’hôpital, Maryse Rabah-Otmani est prise d’un violent malaise. Elle vomit, perd connaissance. Est-elle déjà morte sur le siège passager? La conductrice garde son sang-froid et poursuit sa route jusqu’au sas des urgences. Pompiers et médecins interviennent à même la chaussée. Le massage cardiaque va durer 45 minutes En vain. Au vu des circonstances, un médecin place un obstacle médico-légal. Le lendemain, la famille dépose plainte contre X. Sensible après l’affaire Naomi Musenga et le SAMU de Strasbourg en décembre 2017, le dossier ne reste pas dans les murs du commissariat de Lunéville. L’enquête préliminaire pour homicide involontaire est transmise au service régional de police judiciaire de Nancy.
Autopsie à Strasbourg
Le parquet de Nancy ordonne une autopsie dépaysée à l’institut médico-légal (IML) de Strasbourg et réalisée le 21 mars. L’acte médico-légal a-t-il pu pointer les causes de la mort? Des analyses toxicologiques, plus complexes, sont-elles toujours en cours? «L’IML ne nous a pas encore communiqué son rapport», indique François Pérain, procureur de la République de Nancy. «L’enquête en préliminaire pour recherche des causes de la mort est toujours en cours.»
En l’état de la procédure, la famille s’interroge tant sur le déroulé de l’intervention chirurgicale, le suivi post-opératoire que sur la prise en compte du centre «15». «L’opératrice du SAMU a-t-elle sous-estimé notre appel de détresse? Peut-être n’en serait-on pas là si une ambulance était venue…» Quoi qu’il en soit, les minutes qui ont suivi démontrent malheureusement que l’appel au «15» était fondé. Et aujourd’hui, les proches de la défunte sont bien déterminés à tout mettre en œuvre pour obtenir des réponses à leurs questions.
Alain Thiesse/RL