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Le fantôme de Florange, symbole de la désindustrialisation, hantera la présidentielle


"Quand je vois les hauts-fourneaux, je vois ma famille au cimetière..." et une vallée industrielle qui se meurt, délaissée par le pouvoir. (photo AFP)

Symboles de la désindustrialisation de la France et de la désillusion face aux promesses des politiques, les hauts-fourneaux de Florange rouillent en silence dans la vallée de la Fensch. Et ces fantômes vont hanter la prochaine élection présidentielle.

Le prochain candidat socialiste à la Présidentielle, quel qu’il soit, devra affronter le souvenir vivace de la « trahison » de François Hollande, qui avait promis de sauver le site industriel pendant la campagne de 2012. Cinq ans après la mise à l’arrêt par le groupe ArcelorMittal des deux derniers hauts-fourneaux de la vallée de la Moselle, les plaies restent ouvertes et les ouvriers qui s’étaient battus pour leur survie, amers.

Si l’homme d’affaires indien, Lakshmi Mittal, PDG d’ArcelorMittal, concentre la colère, le gouvernement n’est pas épargné : ici, on se souvient de l’espoir suscité par les engagements pour une « filière d’excellence » par le candidat Hollande juché sur une camionnette syndicale. « Je ne voterai plus jamais socialiste. Jamais ! C’est fini », soupire Lionel Burriello. « Être haut-fourniste, c’est noble, c’était une fierté », pour ce métallo comme son père immigré d’Italie. Olivier Weber, qui a participé à la dernière coulée d’acier fondu sur place, vit le déclin de la sidérurgie est un déchirement : « Quand je vois les hauts-fourneaux, je vois ma famille au cimetière… ».

En 25 ans, 1,5 million d’emplois industriels ont été perdus en France, désormais l’un des pays les moins industrialisés des économies développées, selon l’OCDE. Des fleurons industriels comme Peugeot-Citroën ou Alstom appartiennent au cortège des entreprises passées par de fortes turbulences, pour lesquelles l’État est intervenu. Aux frontières de l’Allemagne, du Luxembourg et de la Belgique, la Lorraine est durement touchée par la crise européenne de la sidérurgie. « C’est devenu le désert ici », soupire Gabriele Mariotti, propriétaire d’un café sur la rue principale d’Hayange. « L’or de la vallée, c’était l’acier. Maintenant il n’y a plus rien. Ils ont tout balancé à l’étranger à cause du fric », vitupère Fernand, ferrailleur et sympathisant du parti d’extrême droite Front national. Le fils de Fernand a fait partie des centaines de personnes qui travaillaient pour des sous-traitants d’ArcelorMittal et ont perdu leur emploi.

Des politiques à côté de la plaque

Comme dans la « rust belt » américaine (« ceinture de la rouille », près des Grands Lacs), qui a plébiscité Donald Trump, la crise fait le terreau de l’extrême droite. Hayange, conquise par les socialistes en 1995, est passée au parti Front National en 2014. Qu’en sera-t-il à la Présidentielle de 2017 ? La gauche a perdu beaucoup de points. « Les gens ici sont perdus. Ce qu’on entend c’est : on ne va pas voter, ou on va voter FN », raconte Frédéric Weber, syndicaliste.

Pour le président Hollande, « le combat a été gagné », les promesses tenues. Il est venu le dire sur place en octobre, en énumérant le reclassement des 629 ouvriers des hauts-fourneaux, l’absence de plan social et la création d’un institut de recherche publique. Sans convaincre. « Hollande et Valls pour nous c’est bonnet-blanc blanc-bonnet. Ça change juste d’emballage », tempête Frédéric Weber. A l’époque grand défenseur de la nationalisation de Florange, l’ancien ministre de l’Économie Arnaud Montebourg, également candidat à la primaire de la gauche, a lui aussi droit aux critiques. Pour le député socialiste Michel Liebgott, Montebourg porte une « vision ouvriériste à la Zola qui n’existe plus : dans les usines, maintenant, les gens sont derrière les ordinateurs ! ».

Lionel Burriello, qui sera candidat pour l’extrême gauche aux Législatives de 2017, estime que les électeurs tentés par les sirène populistes ont deux choix, qui se résument par : « Eux contre nous ». « Eux », ce sont les « travailleurs détachés » venus d’autres pays d’Europe, tandis que « pour le populisme d’extrême gauche, c’est l’oligarchie financière ».

Le Quotidien/AFP