Après la fermeture de la boucherie Remy, le 7 décembre, le centre-ville messin ne comptera plus qu’une poignée de boucheries-charcuteries artisanales. Le propriétaire du Veau d’Or, Jacques Heitzmann, assure vouloir céder l’exploitation à un artisan-boucher pour perpétuer un savoir-faire menacé. En Moselle, le métier est sur le déclin.
«Je n’aurais jamais imaginé être le dernier…» Le 8 décembre, Jacques Heitzmann sera à la tête de l’une des dernières boucheries-artisanales du centre-ville messin. La veille, Laurent Remy aura remisé le tablier, «fatigué» par des années de labeur.
Dix-sept mois plus tôt, Alexandre Dellarovere a été contraint, lui aussi, de baisser le rideau du Billot lorrain, rue du Grand-Cerf. Une liquidation judiciaire, cette fois.
Ce sont les derniers d’une longue liste : dans les années 1970, la ville en comptait encore une vingtaine. Il n’en reste plus qu’une poignée, en incluant celles du marché couvert (Maison Nicolas, Chez Mauricette, etc.).
Cette conjoncture n’est que la traduction locale d’une tendance globale : le nombre d’artisans-bouchers décroît. La Moselle en compterait moins d’une centaine.
«C’est une spirale infernale : avec la baisse de la démographie, il y a de moins en moins d’apprentis. On n’arrive plus à recruter», estime Christian Nosal, le président de la Fédération des artisans bouchers-charcutiers traiteurs 57.
Selon la Chambre des métiers et de l’artisanat de la Moselle, le département compterait une cinquantaine d’apprentis. Une poignée d’entre eux obtiendra un CAP.
«Je me battrai pour le Veau d’Or»
«Tout a commencé dans les années 1980 avec la concurrence des supermarchés. Les bouchers ont commencé à disparaître. Il y a eu de moins en moins de monde pour former les apprentis. Or, former un boucher prend entre 5 et 7 ans. Les gestes, ça ne s’improvise pas. C’est un savoir-faire», martèle Jacques Heitzmann.
À 62 ans, il est l’un des derniers artisans-bouchers de Metz. Et aspire, lui aussi, à une retraite bien méritée. Mais il ne partira pas avant d’avoir vendu son exploitation… à un vrai artisan : «J’ai eu des touches pour d’autres types de commerce. C’est inenvisageable pour moi : je me battrai pour que le Veau d’Or reste une boucherie».
Cela n’empêche : le métier est en tension et la lame de fond qui touche l’artisanat met en danger un savoir-faire, un patrimoine.
«En France, on a la meilleure boucherie du monde. En supermarché, ce n’est pas le même métier : c’est du commerce. Il est urgent de former, mais a-t-on les moyens de le faire? La solution serait de créer une école de bouchers, en lien avec un abattoir…»
Une lueur d’espoir, tout de même, dans la grisaille environnante : le métier attire de plus en plus de candidats en reconversion professionnelle.
C’est ce que perçoit Jacques Heitzmann : «C’est un vrai chamboulement, depuis dix ans. Des profs d’histoire, des enseignants, des infirmiers veulent se former. Ce sont des passionnés, ils captent très vite. Ils ne sont pas là par dépit. Mais s’il n’y a personne pour les former…».