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Lactalis réduit sa collecte de lait : une « déflagration » pour les éleveurs lorrains


(Photo : AFP)

« Inacceptable », « un signal extrêmement grave » : l’annonce par le groupe Lactalis de la réduction progressive de près de 9% de ses volumes de lait collectés en France est vécue comme « une déflagration » par les éleveurs, déjà soumis à rude épreuve.

L’annonce du géant laitier (Président, Lactel, Galbani), faite par communiqué mercredi soir, fait enrager les syndicats.

Dès jeudi matin, le patron de la première organisation agricole FNSEA, a donné le ton, évoquant une « déflagration pour le milieu laitier » en France, alors que le monde de l’élevage, déjà fragilisé, est menacé par des maladies animales.

« On a appris ça hier soir. (…) Pour nous, l’enjeu ce matin est de s’assurer que les producteurs de lait continueront à trouver quelqu’un qui leur collecte le lait », a déclaré Arnaud Rousseau à la radio France info, jugeant qu’il était « trop tôt » pour évaluer le nombre de vaches qui pourraient disparaître.

La multinationale a annoncé la réduction « de l’ordre de 450 millions de litres » sur sa collecte annuelle « de quelque 5,1 milliards de litres » de lait auprès des éleveurs français, de façon progressive, à partir de fin 2024 et jusqu’en 2030.

La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), section spécialisée de la FNSEA, a dénoncé un industriel « sans scrupule » et un désengagement « inacceptable ».

« Dépendance » 

Le coup est d’autant plus rude pour les éleveurs que, comme le rappelle Arnaud Rousseau, « quand vous êtes collectés par le numéro 1 mondial, vous avez le sentiment que vous êtes avec quelqu’un de solide ».

« Nous n’avons jamais cessé d’alerter sur la dépendance économique structurelle des producteurs face aux laiteries », souligne jeudi dans un communiqué la Confédération paysanne, qui avait investi le siège mayennais de Lactalis en février.

« Cette diminution de la collecte sert pour Lactalis à éliminer des producteurs et à faire pression sur celles et ceux qui restent. La peur d’une cessation de collecte empêche les revendications légitimes pour améliorer le revenu » des éleveurs, estime l’organisation classée à gauche.

Depuis les différentes lois Egalim, censées sanctuariser la matière première agricole, le groupe est pressé de payer plus cher les éleveurs. Mais la France exporte plus de lait qu’elle n’en consomme. La moitié du lait collecté dans le pays par Lactalis partent sur les marchés internationaux (notamment sous forme de poudre), très fluctuants.

« Les marchés se sont écroulés. On payait plus cher le lait qu’on le vendait » sur ces produits exportés, a indiqué une porte-parole du groupe.

En clair, pour Lactalis, la baisse des volumes est la contrepartie d’un meilleur prix pour chaque tonne de lait.

La collecte va diminuer d’ici à 2026 « dans les zones Est et sud Pays de Loire », épargnant ainsi les grandes régions productrices, Bretagne et Normandie.

« On ne rompt pas les contrats. Mais on souhaite travailler très en amont avec les organisations de producteurs sur les modalités d’accompagnement, une fois les contrats arrivés à échéance », a précisé la porte-parole.

Une stratégie « regrettable » ou « incompréhensible » pour des éleveurs laitiers contactés en Meurthe-et-Moselle et dans le Bas-Rhin. « Leur but, ça doit être d’importer du lait étranger qui se retrouvera dans du beurre Président. Le consommateur n’y verra rien », déplore Daniel Perrin, qui possède 80 vaches laitières à Fraimbois (Meurthe-et-Moselle).

Pour la FNPL, « il n’est pas possible que les producteurs aient seulement 12 mois devant eux pour se retourner ». La fédération « demande fermement à Lactalis, dans l’intérêt des producteurs, un délai beaucoup plus long pour identifier des alternatives ».

Avec près de 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023, Lactalis a détrôné un autre mastodonte, Danone, comme leader français de l’industrie agroalimentaire et intégré le top 10 mondial du secteur. Le groupe compte 270 sites de production dans 51 pays et emploie 85 000 personnes.