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La mobilité transfrontalière en état d’urgence


Chacun peut le constater : les réseaux (auto) routiers entre la France et le Luxembourg sont complètement saturés (Photo : Le Républicain Lorrain /Pierre Heckler)

Le cap des 110 000 travailleurs transfrontaliers français au Luxembourg est maintenant dépassé. Tout comme les infrastructures permettant à ces personnes de se rendre au Grand-Duché. Une situation qui relève de l’urgence, d’autant que 50 000 nouveaux frontaliers sont attendus d’ici dix ans.

Manuel Lebeau et Jean-Luc André, conseillers municipaux respectivement à Metz et Longwy, ont signé différents courriers communs. Ceux-ci ont été adressés au président de la République française, au Premier ministre luxembourgeois et à l’ambassadeur de France au Grand-Duché. Dans leurs différentes lettres, les deux élus, tous deux travailleurs frontaliers, expliquent les énormes problèmes de mobilité dus à des infrastructures pour le moins dépassées.

De 20 000 à 110 000 frontaliers français en trente ans

« En trente ans, nous sommes passés de 20 000 à 110 000 frontaliers français », font savoir les deux élus en évoquant la situation de la Lorraine-nord. « Peu de choses ont cependant été réalisées en ce qui concerne la mobilité sur le territoire. Les réseaux routiers sont complètement saturés. L’A31 est l’un des pires points noirs du réseau autoroutier de France et se rendre au Luxembourg depuis Metz se transforme souvent en un enfer pour les frontaliers. L’utilisation des trains est également un véritable calvaire entre retards, annulations, pannes, matériels mal entretenus, rames bondées et usagers obligés de voyager debout », recensent les deux conseillers. Les 110 000 frontaliers apportent un pouvoir d’achat estimé à 5,5 milliards d’euros en France.

Sans parler de la perspective, pour les personnes empruntant le train, de changer de rame à Thionville car certains trains français ne sont pas équipés du système de sécurité européen. « Des dizaines de milliers de personnes sont pénalisées alors qu’une dérogation est accordée au transport de fret. Et puis, il y a les aléas avec le rail avec les grèves de la SNCF ou encore, côté CFL, le poste de Bettembourg qui est obsolète », ajoute Jean-Luc André.

D’un quart d’heure à quarante minutes

Emmanuel Lebeau et Jean-Luc André évoquent également les 10 000 Luxembourgeois vivant dans les pays voisins (France, Belgique et Allemagne) en raison du prix du logement au Grand-Duché. Il en va de même pour les non-Luxembourgeois. Ainsi, plus de 7 000 Portugais sont frontaliers. « Pour les Messins travaillant à Luxembourg-Ville, il faut compter facilement douze heures dans la journée, huit pour le travail et au moins quatre dans les transports », observe Emmanuel Lebeau. Et le constat est partout le même. « Avant, je mettais un quart d’heure pour traverser Differdange. Maintenant, c’est au moins quarante minutes », observe Arnaud Le Nenan, maire de Joppécourt, qui travaille dans cette ville grand-ducale.

Dans le quartier Gare, la galère pour finir le trajet... (Photo : Isabella Finzi).

Dans le quartier Gare, la galère pour finir le trajet… (Photo : Isabella Finzi).

À Luxembourg-Ville, le problème est encore accentué par l’ensemble des travaux ayant lieu en ce moment, avec en particulier les chantiers du tramway, du siège de La Poste et de celui de la Sécurité sociale. « Il faut trente minutes pour aller de la gare à l’hôpital », note de son côté Christophe Sibella, qui travaille dans ce dernier lieu. « Je connais une personne qui n’a pas hésité à gagner 30 % de salaire en moins pour travailler à Capellen plutôt qu’à Luxembourg », reprend le conseiller municipal de Lexy. « Il y a environ 60 000 frontaliers qui œuvrent dans le quartier du Kirchberg tous les jours », relève Jean-Luc André.

Augmenter les jours de télétravail

Pour remédier dans l’immédiat à ces problèmes de mobilité, les élus proposent déjà, dans un premier temps, une extension du nombre de jours autorisés de télétravail de 29 à 47. Soit un par semaine afin d’un peu décongestionner le trafic. Car pour les problèmes routiers et ferroviaires, là, les deux pays doivent se lancer dans de longs et lourds travaux. « Il y a, par exemple, de nouveaux barreaux ferroviaires à construire, en particulier au Luxembourg », note Emmanuel Lebeau. « Et l’A31 bis ne devrait pas être payante. Sinon, il y aura de plus en plus de camions sur l’A30-RN52. Le trafic des poids lourds, qui est actuellement de 4 000/jour, pourrait atteindre les 10 000/jour. Quant aux voitures mosellanes, elles risquent d’engorger le réseau routier secondaire en Moselle et elles pourraient également se reporter sur l’A30-RN52 », prévient Jean-Luc André. Les élus demandent également plus de dialogue entre la France et le Grand-Duché. « Au Luxembourg, c’est simple, il y a les communes et l’État. Ce n’est pas comme le mille-feuille français », reprend le conseiller municipal de Longwy. Ils attendent, aussi, un cofinancement par le Luxembourg des projets lancés pour améliorer la mobilité, ainsi que la formation, et les conditions de travail des frontaliers sur le sol français. « Les frontaliers n’en peuvent plus des routes saturées matin et soir. Certains souffrent de burn-out ou sont au bord de la démission. Ce n’est bon ni pour eux, ni pour l’économie luxembourgeoise », concluent les élus. D’autant plus que les études tendent à démontrer qu’il y aura 50 000 frontaliers de plus à l’horizon 2030.

Stéphane Malnory (Le Républicain lorrain)