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« La mine donnait beaucoup » : en Lorraine, l’hommage culturel à 150 ans de charbon


Les spectacles se multiplient... et font souvent salle comble. (Photo AFP)

Habits bleus, casques noirs, lampes tenues à la main: dans une salle de spectacle de Saint-Avold (Moselle), des mineurs de charbon du siècle dernier, pourtant tout jeunes, débarquent et racontent cette histoire de 150 ans dans un opéra-rock.

Musées, expositions de rue et même opéra-rock : dans le bassin houiller lorrain, de nombreux évènements culturels évoquent l’héritage minier, mémoire du travail mais aussi de la vie sociale des habitants du XXe siècle. Les spectacles se multiplient… et font souvent salle comble.

Rien que pour l’opéra-rock « Des lampes dans la nuit », les six dates proposées cet hiver en Moselle-Est, non loin de la frontière allemande, ont vu plus de 6 000 personnes, la jauge maximale, assister aux répétitions et représentations. Le scénario, à la fois nostalgique et futuriste, a été imaginé par Jacky Locks, directeur artistique. « Mon père était mineur ici, mon grand-père est mort à la mine », explique à l’AFP celui qui est aussi le chef d’orchestre du spectacle.

Sa fille a imaginé l’histoire: des investisseurs qui veulent acquérir une ancienne mine pour en faire un « datacenter » en 2100. Ils en sont empêchés par des « squatteurs » qui veulent garder la mémoire de ce site et en faire un lieu de vie écologique. La mine « a fait vivre, ici, des générations entières, elle donnait beaucoup, mais elle reprenait aussi parfois », reprend Jacky Locks, qui rappelle, dans la représentation, des faits historiques, comme les explosions mortelles.

En février 1985 une explosion s’était ainsi produite au puits Simon, à Forbach (Moselle), qui avait fait 22 morts. Des accidents miniers qui restent dans les esprits de la population locale et émeuvent beaucoup lors du spectacle.

« Ne pas oublier »

– « Il est loin, le temps des houillères », défend dans le spectacle l’investisseur.

– « C’est la mine qui nous unit, la mine est une famille », rétorquent les mineurs.

Toujours en Moselle-Est, au Parc Explor Wendel, à Petite-Rosselle, un musée a été construit dans un ancienne salle dite du pendu, où les mineurs entraient, se changeaient et suspendaient leurs vêtements en hauteur, avant de récupérer leur lampe et de descendre au fond.

Des centaines de vêtements et lampes ont été préservés et s’affichent aux visiteurs, qui ne descendent ensuite non pas dans une vraie mine mais peuvent en visiter une reconstitution. L’occasion d’appréhender la difficulté de ce métier, souvent exercé par un aïeul dans la région. Rémy, l’un des guides, est un ancien mineur de Merlebach, à quelques kilomètres. Depuis plusieurs années, il aime à expliquer le fonctionnement de son ancien métier et transmettre, « surtout aux enfants », sourit-il. Une manière « de ne pas oublier ».

Le directeur du site souhaite lui développer de plus en plus l’activité, avec une forte présence sur les réseaux sociaux ou via des aménagements pour attirer les touristes à la découverte de cet héritage.

« Je crois que c’est important »

A quelques kilomètres, près de la frontière luxembourgeoise, se situe la commune d’Hettange-Grande. Ici, pas de « Gueules noires », surnom donné aux mineurs de charbon, mais des « Gueules jaunes », qui travaillaient dans les mines fer. La mine Charles-Ferdinand, à l’entrée de la commune, produisait, jusqu’en 1979, de la minette lorraine.

Quarante-cinq ans après sa fermeture définitive, elle reste ancrée dans les mémoires, souligne le maire de la commune, Roland Balcerzak.

Depuis son élection en 2014, ce fils de mineur a décidé de relancer la fête de la Sainte Barbe, protectrice des mineurs contre le grisou. « Avant, à la grande époque, c’était une grande fête, il y avait le couple d’honneur de la Sainte Barbe… » se remémore Roland Balcerzak. « Je crois que c’est important » pour les enfants comme les petit-enfants, assure-t-il.

Le bassin houiller lorrain est l’un des plus vastes de France. Cette activité minière a permis un afflux important de travailleurs, et a créé des quartiers entiers dans de nombreuses villes à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Les acteurs de la culture veulent eux faire résonner l’histoire du charbon au-delà des bassins miniers, avec par exemple, Jacky Locks l’espère, des représentations de sa comédie musicale « à Metz… ou ailleurs en France ».

La dernière mine de fer de Lorraine a fermé en 1993, celle de charbon en 2004.