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La boîte noire automobile bientôt au tribunal ?


Pierre de Gonneville, ingénieur à la retraite, teste la future boîte noire, en cours d'expérimentation en Moselle depuis fin 2013. (photo Anthony Picoré / RL)

Alors que la boîte noire pour automobile est en expérimentation en Moselle depuis deux ans, le procureur de la République de Metz est prêt à tester son intérêt, grandeur nature, dans le cadre d’un procès pénal fictif.

En cours de développement en Moselle depuis l’automne 2013, la boîte noire automobile sera-t-elle un jour l’un des éléments déterminants d’un procès pénal? Possible, depuis que le procureur de la République de Metz, Christian Mercuri, a ouvert la porte à une expérimentation sur le sujet. Sollicité, juste avant l’été, par la Ligue contre la violence routière et son président départemental, Jean-Yves Lamant, le magistrat dit « regarder l’initiative avec beaucoup de bienveillance ».

Jean-Yves Lamant, lui, voit déjà les choses en grand : « Il est très facile d’imaginer deux procès virtuels avec juges, victimes, avocats… Le premier s’appuierait sur les éléments traditionnels, existants, qui servent à statuer dans un cas d’homicide involontaire après un accident de la route. Le second s’enrichirait des données de la boîte noire, vitesse au moment du choc, positionnement GPS, film de la scène…, que nous testons actuellement dans le cadre du projet Mevica (mesurer la vitesse en cas d’accident) », s’enthousiasme celui qui est également vice-président national de la Ligue contre la violence routière.

Mevica est le nom de code du projet, dont la Moselle est département-pilote depuis l’automne 2013. Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, et le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) avaient timidement montré leur intérêt pour l’intégration d’enregistreurs de données de la route dans les véhicules en France, comme c’est déjà le cas aux États-Unis ou au Japon.

Validité des données en droit

La Moselle avait alors levé le doigt la première pour se pencher sur la faisabilité de ce « mouchard », comme le qualifient les lobbies pro-automobile. Le comité de pilotage du projet, qui s’est réuni en juin dernier, poursuit tests et consultations. « Les chiffres de la sécurité routière de juillet (+ 19 % de morts) et août (NDLR : mauvais, a confirmé mardi, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve) prouvent qu’il faut avancer vite pour limiter l’hécatombe », tranche Jean-Yves Lamant, déçu du peu d’écoute du gouvernement.

Alors qu’un de ses amis, Pierre de Gonneville, ingénieur qui a effectué toute sa carrière au Centre des études techniques de l’Est (CETE, aujourd’hui Cerema), tente d’éprouver le dispositif avec le fabricant (la société Road Eyes Cams), le président mosellan a sauté sur l’invitation au palais de justice pour pousser son avantage. « J’ai énormément apprécié l’écoute du procureur. On a discuté deux heures ! », s’enthousiasme Jean-Yves Lamant.

Étalonnement, fiabilité technique, validité des données en droit, labellisation, homologation : beaucoup de questions se posent encore avant que ces enregistreurs, qui figent, notamment, les dernières secondes avant le choc, n’entrent dans les habitacles de monsieur Tout-le-monde. « Il y aura forcément des contestations, des discussions, mais la boîte noire peut représenter un élément nouveau et complémentaire dans les procès », assure le procureur Christian Mercuri. La Ligue contre la violence routière espère organiser ces deux procès virtuels « dès fin 2015, début 2016 ».

Alain Morvan (Le Républicain lorrain)

Un système performant, mais à améliorer

Pierre de Gonneville a testé, sur 4 000 kilomètres, un modèle de boîte noire avec caméra commercialisée par la société Road Eyes Cams.

Les plus

«L’image, dont la qualité est bonne. On voit bien tout ce qui se passe sur la route. Un inconvénient, cependant, pour analyser un accident : l’angle de vision de la caméra (105 °) est nettement supérieur à ce que le conducteur peut voir, d’autant que son champ de vision se rétrécit à mesure que la vitesse augmente. La localisation sur une carte, très précise, et la possibilité d’enregistrer son parcours sur la carte sont bien pensées.»

Les moins

«Il y a un écart de trois à quatre secondes entre la vitesse enregistrée par la boîte noire et la réalité. La donnée basée sur le GPS n’est pas immédiate en cas de freinage d’urgence. Donc, on est déjà à l’arrêt, alors que le système annonce encore 20 ou 30 km/h. C’est à revoir, à préciser.»

L’atout

«Dans le cadre d’un procès pénal, l’intérêt de disposer de ces données est évident. Surtout si l’on peut connecter la boîte noire, déjà performante, sur les informations déjà stockées par le véhicule lui-même et qui sont ultraprécises. Cela permettra de conforter ou d’infirmer les témoignages des protagonistes d’un accident et les rapports des experts.»

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