La Belgique élit dimanche ses députés, avec la perspective de voir l’extrême droite s’imposer en Flandre et les partis traditionnels affaiblis, augurant de longues négociations pour former la coalition gouvernementale.
Réputée ingouvernable, la Belgique avait vécu 541 jours sans gouvernement de plein exercice en 2010-2011. Un record dont le pays n’était pas si loin quand la coalition de sept partis dirigée Alexander De Croo, le Premier ministre sortant, avait enfin vu le jour à l’automne 2020, 493 jours après les élections de 2019.
« C’est difficile à anticiper, mais la crise pourrait être plus longue cette fois », explique Benjamin Biard, chercheur au centre de sciences politiques Crisp.
En cause : la progression annoncée des partis « antisystème », l’extrême droite en Flandre et les communistes en Belgique francophone, renforçant la difficulté à dégager un consensus politique au niveau national dans ce pays traditionnellement divisé entre Flamands et Wallons.
Quelque 8,5 millions d’électeurs sont appelés aux urnes à partir de 8 heures, en comptant les citoyens d’autres pays de l’UE votant pour le scrutin européen auquel ces élections sont couplées. Le vote est obligatoire en Belgique.
À l’heure des premiers résultats, beaucoup de regards se tourneront vers la Flandre, où le parti d’extrême droite Vlaams Belang (VB), donné gagnant par les sondages, détrônerait l’Alliance néoflamande (Nieuw-Vlaamse Alliantie, N-VA, conservateurs) comme première force politique de la région belge la plus peuplée.
Le VB, dirigé par Tom Van Grieken, allié en Europe du Rassemblement national français, rêve d’intégrer le gouvernement de la Flandre pour y imposer son agenda anti-immigration, comme le parti de Geert Wilders (PVV) dans les Pays-Bas voisins.
« Cordon sanitaire »
Mais cela ne restera peut-être qu’un rêve. Le traditionnel « cordon sanitaire » excluant l’extrême droite de toute coalition en Belgique devrait encore résister, selon les politologues.
Le chef de la N-VA et actuel homme fort de la Flandre, Bart De Wever, « a clairement exclu à plusieurs reprises toute coopération avec le Vlaams Belang », rappelle Nathalie Brack, professeure de sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles (ULB).
Une telle alliance « rendrait quasiment impossible aux yeux des partis francophones la présence de la N-VA dans une majorité fédérale », ajoute Pascal Delwit, autre expert de l’ULB.
Or Bart De Wever est candidat à la succession d’Alexander De Croo, dont la coalition gauche/droite de sept partis perdrait la majorité à la Chambre d’après les sondages, particulièrement pessimistes pour la formation du Premier ministre, l’Open-VLD (libéraux flamands), et les écologistes.
Le président de la N-VA a peu de chances de rallier la gauche francophone, farouchement opposée à son programme socio-économique insistant sur la limitation dans le temps des allocations chômage.
Reste à savoir s’il pourra s’entendre avec les libéraux et les centristes.
M. De Croo a laissé entendre en fin de campagne qu’il pourrait se ranger à la perspective d’une future coalition de centre-droit dirigée par Bart De Wever, sous certaines conditions.
« Un jeu à multi-niveaux »
« C’est un jeu à multiniveaux en Belgique, le fédéral a une influence sur le régional et vice-versa. Les équilibres vont être compliqués à trouver », relève Nathalie Brack.
La situation dans les autres régions, la Wallonie et Bruxelles, sera aussi scrutée de près, notamment les scores des Engagés – un parti centriste en pleine résurrection – et ceux du Parti socialiste de Paul Magnette, autre candidat au poste de Premier ministre.
Traditionnellement premier parti en Belgique francophone, le PS est de plus en plus concurrencé sur sa gauche par le Parti du travail (PTB, communistes), qui gagnerait sept députés à la Chambre (à 19 contre 12 précédemment), d’après la dernière grande étude Ipsos.
En ajoutant les 26 crédités au VB, cela donne 45 députés pour des partis radicaux a priori exclus de toute entente gouvernementale. Et une majorité (d’au moins 76 députés sur 150) d’autant plus difficile à trouver.
Outre l’élection de 22 eurodéputés et 150 représentants à la Chambre (le Parlement fédéral), le scrutin vise à renouveler les assemblées législatives de la Flandre (124 députés), de Bruxelles (89), de la Wallonie (75) et de la petite communauté germanophone de l’est du pays (25).
Les bureaux ferment à 14 heures locales quand ils proposent le vote papier, un horaire étendu jusqu’à 16 heures dans les communes ayant opté pour le vote électronique.
Sans la région de Bruxelles, il y a longtemps que la Belgique aurait explosée en deux: d’un côté les socialistes wallons qui préfèrent vivre aux crochets des autres et de l’autre les flamnads qui en ont marre de soutenir à bout de bras les fainéants wallons.