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Jean-Marie Pelt : l’hommage de Boris Cyrulnik et d’Edgar Morin


Boris Cyrulnik, psychiatre, et Jean-Marie Pelt, directeur de l'Institut Européen d'Ecologie (IEE), à Metz, au cours d'une conférence organisée par l'IEE, en 2012. (photo Marc Wirtz / RL)

Le pape de la résilience Boris Cyrulnik, le penseur global Edgar Morin, l’animateur écolo Denis Cheissoux, la présidente de Cap 21 Corinne Lepage, l’ethnopharmacien Jacques Fleurentin : tous saluent un savant et un sage en la personne de Jean-Marie Pelt, décédé dans la nuit de mardi à mercredi.

Boris Cyrulnik : « Il donnait à réfléchir »

« On se connaissait depuis quinze-vingt ans. Il m’avait invité à Metz car la résilience est un concept que les agriculteurs utilisaient avant les psys. C’était un homme très affectueux, très chaleureux, d’une très grande proximité, gentil et compétent. Il était un peu marginal, c’était un chercheur international, mais à la marge, c’est pour ça qu’il avait produit quelque chose de nouveau, hors du système. Les jeunes l’aimaient beaucoup. Il n’était pas seulement un scientifique pur, c’était un philosophe de la condition du vivant, des animaux, des plantes, des humains. Il donnait à réfléchir, on ne s’ennuyait jamais avec lui. Ça me fait peine de parler de lui à l’imparfait. »

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Denis Cheissoux : « Un encyclopédiste »

Denis Cheissoux anime CO2 mon amour, sur France Inter, où Jean-Marie Pelt avait sa chronique les samedis. « Avec Jean-Marie, c’est vingt-cinq ans d’amitié. Il appartenait aux quatre grands sages, tous unis par un humanisme commun : Edgar Morin, Hubert Reeves, Pierre Rabhi et lui… Pierre Rabhi a créé un mouvement, Jean-Marie vivait ça très bien, il aimait bien sa solitude. Il avait eu deux mères, sa maman et le jardin de son enfance. C’était un savant, un encyclopédiste, capable de relier les choses, un passeur qui cherchait le bien dans l’humanité tout en n’étant pas dupe. Il avait très bien compris que depuis Descartes et surtout le développement de l’agro-chimie on courait à la catastrophe. Il a été le premier à dénoncer les OGM, les pesticides et le nucléaire. Durant toute sa vie, il n’a eu de cesse de relier l’homme à la nature. Il est mort à peu près heureux, la veille de Noël. Pour un croyant comme lui, c’est un joli signe. Saint Pierre l’a accueilli ce matin. »

Gilles-Eric Séralini : « L’initiateur d’une Europe sans OGM »

Gilles-Eric Séralini, biologiste, universitaire : « Nous avons perdu un grand homme, un grand ami, le plus important auteur d’écologie en francophonie avec plus de 70 ouvrages et un initiateur fabuleux d’une Europe sans OGM. Je l’avais connu en 1996 pour apporter des conseils auprès de notre ministre d’alors, devenue aussi une amie, Corinne Lepage. Il avait initié le moratoire demandé par de nombreux scientifiques et médecins, dont Albert Jacquard et Jacques Testart. C’était un botaniste et pharmacologue exceptionnel. Il a brillé dans ma vie. »

Jacques Fleurentin : « Sans arrêt au travail »

« Malgré son extraordinaire productivité littéraire et ses conférences, à chaque fois il se remettait à l’ouvrage avec de nouvelles réflexions. Il n’avait jamais peur de dire tout ce qu’il pensait sur l’humanité. Sans arrêt il se remettait au travail. Si Metz est une ville verte, c’est grâce à lui. C’est à Metz qu’est née l’écologie urbaine. Si aujourd’hui elle est enseignée partout dans le monde, c’est grâce à lui. À travers l’Institut européen d’écologie, il a rassemblé pharmacie, sciences naturelles et humaines, un creuset extrêmement fécond, dont sont sorties l’écologie urbaine, l’écotoxicologie et l’ethnopharmacologie. Contre les OGM ou le nucléaire, à chaque fois, il a eu un courage extraordinaire de s’attaquer aux sciences dominatrices. Il y a une phrase de Rabelais qui le résume bien : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». J’espère que Metz honorera sa mémoire en ouvrant, aux Récollets, au moins une salle en accès libre pour y voir toutes ses œuvres. »

Edgar Morin : « Un penseur planétaire »

« Je suis tout à fait bouleversé. C’était un penseur remarquable du rapport humain avec le monde vivant. Il nous avait montré que l’intelligence sensible, la créativité ne sont pas seulement animales mais aussi végétales. C’était un penseur planétaire, une grande figure de notre époque, un penseur de notre humanité. Nous devrions méditer son œuvre et être fidèles à son exemple et à sa pensée. Nous étions proches, nous avions beaucoup de complicités, c’était un frère pour moi. »

Corinne Lepage : « Un visionnaire »

« C’était un homme que j’aimais très profondément. Je le connaissais depuis quarante ans. Nous avons créé ensemble le Criigen (comité de recherche indépendant d’information sur le génie génétique). C’était un visionnaire, bienveillant et profondément bon. Il avait un amour de la nature et des autres. Il a impressionné plusieurs générations d’élèves. Il avait l’amour de la beauté et des autres. »

Le Républicain lorrain