Incriminée notamment, selon le juge en charge du dossier, par la stylométrie et la graphologie, Jacqueline Jacob sera interrogée à Dijon en fin de semaine prochaine. L’octogénaire devrait être mise en examen pour «association de malfaiteurs».
Énième coup de théâtre dans le dossier de la Vologne. Comme la chambre de l’instruction de Dijon l’a décidé le 18 juin dernier, en ordonnant un supplément d’information « aux fins d’interrogatoire de première comparution » de Jacqueline Jacob, la grand-tante de Grégory, 81 ans, sera entendue ce vendredi 5 septembre par Dominique Brault, le juge en charge du dossier.
A l’issue de son interrogatoire, elle devrait être mise en examen pour « association de malfaiteurs criminelle » La qualification exacte de sa convocation est celle de « participation, courant 1982, 1983 et 1984, à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou délits dont l’assassinat et l’enlèvement de Grégory Villemin ».
La justice la soupçonne pêle-mêle d’avoir proféré de manière réitérée des menaces de mort, d’avoir procédé à des appels téléphoniques anonymes et d’avoir établi, envoyé ou déposé des écrits anonymes comportant des menaces de mort contre les membres de la famille d’Albert Villemin, d’avoir revendiqué, par un écrit posté le 16 octobre 1984 et un appel téléphonique anonyme passé le même jour, l’enlèvement et l’assassinat de Grégory.
La mise en examen de 2017 annulée
En juin 2017, l’octogénaire avait déjà été mise en examen pour « enlèvement et séquestration de mineur suivi de mort », tout comme son mari, Marcel, et Murielle Bolle, belle-sœur de Bernard Laroche. Le couple Jacob avait fait quatre jours de détention avant d’être assigné à résidence, avec interdiction de se rencontrer. Cette mesure avait été levée en décembre 2017. En mai 2018, ces trois mises en examen avaient été annulées pour un pur problème de procédure.
Pour l’heure, les charges qui pèsent contre Jacqueline Jacob semblent ténues. Au premier rang d’entre elles, la stylométrie, censée attribuer un texte à un auteur d’après son style. Un expert suisse assure que l’octogénaire serait l’auteur des quatre principales lettres anonymes du dossier (courriers de menaces de 4 mars 1983, du 27 avril 1983, du 17 mai et lettre de revendication du 16 octobre 1984), mais qu’elle aurait également passé le coup de fil de revendication du crime à Michel Villemin, le jour de l’assassinat, aux alentours de 17h30.
Concordance avec les appels du corbeau
Par ailleurs, une expertise en écriture désigne Jacqueline Jacob comme l’auteur possible de la rédaction d’au moins deux de ces quatre lettres anonymes : celle de mars 1983, glissée à Lépanges dans les volets des parents de Grégory, et celle d’avril 1983, adressée à Albert et Monique Villemin, grands-parents de l’enfant. Pour l’expert en écritures, l’un des courriers « a été vraisemblablement écrit » par Jacqueline Jacob, l’autre « pourrait avoir été écrit » par l’octogénaire.
Autre argument retenu par la justice, outre la haine recuite que Marcel et Jacqueline Jacob vouaient à la famille Villemin, la possibilité que Jacqueline Jacob aurait eue de passer les appels anonymes. L’enquête a établi une « note de concordance » entre les appels du corbeau et l’emploi du temps de la grand-tante de Grégory qui pourrait avoir passé « la quasi-totalité des appels », soit de son domicile en dehors de ses heures de travail, pendant des arrêts maladie ou pendant des heures de délégation syndicale ou encore sur son lieu de travail en s’absentant temporairement de la chaîne sur laquelle elle était affectée.
« Mais, c’est la Jacqueline, ça ! »
Enfin, en 2022, lors d’une interview donnée par René Jacob à TF1, ce frère de Marcel Jacob avait écouté un enregistrement du corbeau et s’était écrié : « Mais c’est la Jacqueline, ça ! ». Entendu, il avait assuré avoir reconnu le rire de sa belle-sœur.
Au printemps dernier, le parquet général de Dijon s’était opposé à une nouvelle mise en examen de Jacqueline Jacob. Dans un communiqué, le procureur général avait avancé que « les éléments retenus » à son encontre « ne suffisaient pas à constituer des indices graves ou concordants dans les faits d’assassinat ou de complicité d’assassinat ». Le magistrat avait indiqué que, pour lui, d’autres éventuelles infractions, comme l’association de malfaiteurs criminelle, si elles étaient retenues pour une mise en examen, seraient prescrites.
En juin 2017, lors de sa garde à vue et de son interrogatoire de première comparution, Jacqueline Jacob avait fait le choix de conserver le silence. Pas certain qu’elle soit plus loquace vendredi prochain.
« C’est bien simple : il n’y a rien de nouveau d’important dans ce dossier. Au contraire, là, nous sommes même sur des éléments qui, franchement, si la situation n’était pas aussi dramatique, prêteraient presque à sourire ». Me Frédéric Berna, l’un des trois avocats du couple Jacob, ne décolère visiblement pas. « C’est scandaleux de nous convoquer en seulement 10 jours, qu’on tarde aussi à nous transmettre la copie du dossier. C’est assez révélateur de l’idée que l’on se fait des droits de la défense. L’arrêt du 18 juin dernier, qui vise notre cliente Jacqueline Jacob, est absolument lunaire, au même titre que les pseudos expertises en stylométrie qui ont été commentées dans les médias, en toute violation du secret de l’instruction, par leur auteur suisse. Je pensais que la justice avait touché le fond, je crois qu’elle a décidé de creuser… ».
Eric Nicolas et Christophe Gobin

Me Stéphane Giuranna (à g.) et Me Frédéric Berna. (photo Eric Nicolas)
« Je vais donc officiellement demander le report de cette convocation »
Autre conseil, avec Me Bouthier, du couple Jacob, Me Stéphane Giuranna estime que le président de la chambre de l’instruction « ne respecte pas les droits de la défense. Nous l’avons prévenu, dès la mi-juin et dès que le principe de la convocation de Mme Jacob était acquis, que ses trois conseils ne seraient pas disponibles entre le 8 septembre et le 19 décembre pour cause de procès Péchier. Et il choisit de nous convoquer deux jours avant le début de ce procès, que nous sommes en train de préparer. Il avait tout juillet et août pour le faire ! Il y a manifestement une volonté de nuire à la défense. Je vais donc officiellement demander le report de cette convocation à la fin de notre procès d’assises ».
« Jacqueline Jacob est totalement innocente des faits farfelus qu’on lui reproche »
Me Giuranna poursuit : « Jacqueline Jacob est totalement innocente des faits farfelus qu’on lui reproche, enfin qu’un homme seul lui reproche. Parce qu’aujourd’hui, c’est un homme seul contre tout le monde. Le parquet général indique en effet qu’aucun élément n’est de nature à permettre la mise en examen de Mme Jacob, ce que nous rappelons depuis 8 ans. On attend deux jours avant un procès important pour convoquer notre cliente alors que cela fait sept ans qu’on l’annonce, cette convocation. C’est venir piétiner la défense de Jacqueline Jacob. Nous utiliserons toutes les voies procédurales et la Cour de cassation aura évidemment à connaître à nouveau de cette affaire. Les méthodes utilisées sont à l’instar de celles de tous les juges d’instruction qui se sont penchés sur ce dossier ».
Recueilli par Eric Nicolas et Christophe Gobin