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Itinéraire d’une enfant perdue, de Metz à Épinal


Lorsqu’elle découvre sa grossesse, l’adolescente messine a su « que ça devait changer. Pas pour moi, mais pour mon bébé. » (Photo : RL)

Sa situation a choqué, peiné, beaucoup questionné. Incarcérée en 2015, à Épinal, à l’âge de 14 ans alors qu’elle était enceinte, l’adolescente n’a pas encore tourné le dos à tous ses ennuis. Mais la Messine regarde devant elle.

À son âge, elle a déjà beaucoup vécu. Souvent, le pire. En écoutant sa vie défiler, et la liste des coups durs, difficile de ne pas la regarder avec compassion. C’est une délinquante, elle l’assume. Mais c’est aussi une jeune fille, ou une jeune femme c’est selon, de 16 ans, qui est toujours debout. Et cela révèle une sacrée force de caractère. « C’est sûr qu’une femme de 60 ans n’aurait pas supporté ce que j’ai vécu… » On ignore pourquoi 60 ans, mais on comprend l’idée. Elle a conscience d’avoir déjà connu ce que peu de personnes subiront.

Elle est apparue dans une lumière qu’elle ne recherchait pas, un jour de janvier 2015. Les médias en font leur Une. L’adolescente de 14 ans incarcérée à Épinal alors qu’elle est enceinte, c’est elle. « Personne à l’époque n’a cherché à savoir comment j’en suis arrivée là… Il y a eu plein d’étapes. » On écoute. « C’est une histoire de fréquentations, je pense. A 11 ou 12 ans, je n’allais plus à l’école, entraînée dans la rue par des copines. On volait des téléphones. Je demandais si je pouvais l’utiliser… » Jolie comme un cœur, personne ne le lui refusait. « Et je partais en courant… Je les collectionnais… Ça ne servait à rien. C’était ridicule. »

Un soir, deux amies la guident vers un appartement du quartier où « l’on pouvait dormir. Un homme habitait là. Cela s’est mal fini. » Les trois jeunes filles sont mises en examen pour séquestration. L’information judiciaire s’achève. Envoyée dans plusieurs centres éducatifs fermés, loin de la région de Metz, elle a du mal à se fondre dans le moule. « C’est dégueulasse, ces centres, il faut le savoir. » Elle fugue et fugue encore. Souvent pour retrouver sa maman. Parfois, pour de nouvelles rencontres, et connaître de nouvelles galères (lire par ailleurs).

Les affaires la rattrapent toujours

C’est à cause d’une énième violation de son contrôle judiciaire qu’un juge messin l’incarcère dans la prison pour femmes vosgienne. « J’étais la chouchoute mais rien n’était adapté. Je devais tout le temps truquer et dire que j’avais mal au ventre pour voir une sage-femme ou un médecin. » Est-ce que ça lui a servi de leçon ? « J’ai eu une prise de conscience avant, quand j’ai découvert ma grossesse. J’ai su que ça devait changer. Pas pour moi, mais pour mon bébé. » Son avocate, Me Marlène Schott, acquiesce : « Elle a grandi d’un coup, c’est vrai. » Les ennuis finissent quand même par la rattraper. Encore.

A Épinal, elle reste un mois derrière les barreaux. Après sa sortie, elle quitte une nouvelle fois le centre où elle est hébergée, sans autorisation. Nouvelle incarcération. Elle est alors maman. « J’ai mal vécu le fait d’être privée de mon fils », soupire-t-elle.

Les mots défilent vite. Avec une forme de détachement. Mais il ne faut pas se tromper : c’est une façon de se protéger, de ne pas tout reprendre en pleine figure. Aujourd’hui, elle vit dans un centre du Nid (centre d’accueil mère-enfant), « et tout se passe bien. Mon garçon est avec moi, il est incroyable. Il a 21 mois mais on dirait qu’il en a le double. » Il a de qui tenir. A quoi rêve-t-elle ? « J’ai envie de faire une formation. J’ai enchaîné les petits boulots, on verra. A ma majorité, je partirai de Metz. Loin d’ici. Trop de personnes connaissent mon histoire. »

Kevin Grethen (Le Républicain Lorrain)