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Intrusion à la centrale de Cattenom : Greenpeace devant le tribunal correctionnel


Huit activistes de Greenpeace avaient été interpellés à l'aube le 12 octobre après avoir pénétré dans la centrale pour alerter sur la vulnérabilité des sites nucléaires. (illustration Hervé Montaigu)

Greenpeace France est convoquée mercredi devant le tribunal correctionnel de Thionville après l’intrusion de huit de ses militants le 12 octobre dernier sur le site de la centrale nucléaire de Cattenom, mais le procès pourrait être renvoyé.

Les huit militants et l’organisation Greenpeace France, représentée par son directeur général, Jean-François Julliard, sont poursuivis pour « intrusion en réunion et avec dégradation dans l’enceinte d’une installation civile abritant des matières nucléaires ». Ils encourent cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Que le directeur général soit poursuivi en tant que représentant de l’ONG, « c’est une première, c’est un des buts de la loi : la possibilité d’atteindre Greenpeace avec une peine d’amende élevée », a réagi auprès Me Alexandre Faro, avocat de l’association.

Deux textes sanctionnaient déjà l’intrusion sur un site : « la violation de domicile et locaux professionnels » et « l’introduction non autorisée dans un bâtiment intéressant la défense nationale », délits passibles d’un an de prison. « Il a fallu en créer un troisième, voté en 2015 », auquel le législateur « a ajouté des circonstances aggravantes, en réunion et avec dégradation pour durcir les peines », a déploré Me Faro. En 2014, 55 militants de l’organisation écologiste avaient été condamnés à deux mois de prison avec sursis pour s’être introduits dans la centrale de Fessenheim et neuf avaient écopé de six mois avec sursis pour une action similaire à Nogent-sur-Seine.

Huit activistes de Greenpeace avaient été interpellés à l’aube le 12 octobre après avoir pénétré dans la centrale pour alerter sur la vulnérabilité des sites nucléaires. Ils avaient diffusé sur le compte Twitter de Greenpeace la vidéo du feu d’artifice qu’ils disent avoir tiré tout près du bâtiment abritant la piscine à combustibles. La préfecture de Moselle et EDF ont soutenu que les militants n’avaient pas accédé à la zone nucléaire.

Greenpeace « n’a rien démontré »

Le conseil de Greenpeace France a indiqué qu’il solliciterait le renvoi du procès à l’ouverture de l’audience, notamment parce qu’il n’a pas reçu les conclusions de l’avocat d’EDF. EDF, qui n’a pas souhaité s’exprimer sur la procédure judiciaire, avait, par la voix du directeur adjoint du parc nucléaire, Olivier Lamarre, qualifié les militants d’ « irresponsables » car ils ont joué avec leur vie pour « une opération de communication ». Selon lui, Greenpeace « n’a rien démontré, sinon que le dispositif de sécurité a fonctionné parfaitement ».

Deux jours avant l’intrusion, Greenpeace avait publié un rapport d’experts mettant en doute la capacité de résistance des bâtiments abritant les piscines d’entreposage. Pouvant contenir plus de combustibles que les cœurs des réacteurs, ces piscines ne sont pas protégées par des enceintes renforcées, ce qui les expose davantage au risque d’attaques extérieures, selon l’ONG. Le 28 novembre, 22 militants de Greenpeace avaient investi au matin la centrale nucléaire de Cruas-Meysse (en Ardèche). Un groupe avait notamment escaladé un bâtiment « accolé » à l’un des réacteurs de la centrale afin de « démontrer son accessibilité », selon l’ONG. Quatre militants s’étaient suspendus à un bâtiment abritant une piscine de combustibles usagés et avaient allumé des fumigènes, d’après des vidéos diffusées par Greenpeace.

L’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avait invité EDF et les autorités à tirer les leçons de cette nouvelle intrusion. Les députés La République En Marche ont déposé le 21 décembre une résolution pour créer une commission d’enquête « sur la sûreté et la sécurité » des installations nucléaires. « Ces incursions ont contribué à démontrer qu’il était nécessaire que la représentation nationale s’empare des questions de sûreté et de sécurité nucléaires », ont souligné les députés, estimant que la présence en France de 19 centrales « impose une vigilance sans faille ».

Le Quotidien/AFP