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Hôpital de Mont-Saint-Martin : «85% des démissions sont liées à une embauche au Luxembourg»


L'hôpital de Mont-Saint-Martin, plus que jamais, cherche des renforts dans ses services (Photo d'archives : René Bych / Le Républicain Lorrain).

Des annonces circulent sur les réseaux sociaux pour des embauches d’urgence à l’hôpital frontalier de Mont-Saint-Martin. Nous avons voulu vérifier l’authenticité de ce recrutement au pied levé. La communication du groupe SOS-Santé nous répond.

Les annonces de recrutement via Facebook que l’on trouve pour l’hôpital de Mont-Saint-Martin sont-elles des vraies ?
Oui, ces annonces existent. Nous avons activé plusieurs relais d’information, dont les réseaux sociaux.

C’est une méthode de recrutement qui montre l’urgence de la situation, non ? À combien de postes estimez-vous les carences en infirmiers ou en médecins spécialisés dans l’hôpital de Mont-Saint-Martin ?
Oui la situation est préoccupante et urgente à ce jour (NDLR : mardi 17 novembre). Au-delà des arrêts maladies,  l’hôpital de Mont-Saint-Martin dénombre un manque de 25 IDE (infirmier diplomé d’État), d’où la fermeture d’un service afin de redéployer le personnel avec le plus d’efficacité possible.

Dès 2017…

D’où vient cette urgence ? Il y a le Covid, on comprend bien. Mais existe-t-il des causes plus profondes ?
Cela ne date pas que de la période Covid-19. Dès 2017, nous avons constaté une vague importante de recrutements de personnels infirmiers par le Luxembourg. Les conditions de rémunération étant nettement plus élevées, difficile de rivaliser. Ce fossé est encore plus visible sur les bulletins de paie avec le prélèvement à la source.

Les autorités wallonnes ont estimé qu’en 2020, 62% des démissions de l’hôpital d’Arlon étaient pour un départ au Luxembourg. Elles dénoncent une situation intenable, quelle statistique de votre côté, vous qui êtes collé à la frontière aussi ?
85 % des démissions sont liées à une embauche au Luxembourg.

Nous ne baissons pas les bras

Quels moyens avez-vous pour lutter contre ça ? On a le sentiment d’une épée de bois contre une épée de fer, malgré toutes les bonnes volontés.
Il est déjà très difficile de lutter par rapport aux salaires et aux autres prestations (allocations familiales, retraite plus avantageuse…). Nous ne baissons pas les bras. Nous mettons en place de mesures financières supplémentaires en sus de notre convention collective. Ainsi que des actions d’accompagnement, de bien-être et d’avantages.

Dans un combat qui dépasse probablement votre gestion, quel appui politique trouvez-vous pour essayer de rétablir un équilibre avec le Grand-Duché à la frontière ?
Nous avons des séances de travail avec les élus locaux, l’ARS, la Région , notre fédération (la FEHAP), les organismes de recrutement et avec les collègues, bien évidemment.

Propos recueillis par Hubert Gamelon

Un bassin de vie qui pourtant gagne de la population

Tableau réalisé par l'Agence d'urbanisme de Lorraine-Nord, l'Agape, sur la période 2007-2017.

Tableau réalisé par l’Agence d’urbanisme de Lorraine-Nord, l’Agape, sur la période 2007-2017.

C’est tout le paradoxe de  » l’effet Luxembourg  » : toujours plus d’habitants (+6 267 habitants en dix ans sur le territoire Longwy/Villerupt), avec l’installation d’une nouvelle population frontalière, mais toujours plus de difficultés pour assumer les services collectifs qui vont avec. La crise que traverse l’hôpital de Mont-Saint-Martin n’est pas propre à la frontière : des hôpitaux français comme celui d’Avignon ont récemment lancé des appels urgentissimes au recrutement. Mais l’effet frontière aggrave la situation et les fractures, dans des domaines aussi importants que la santé, comme le montre l’immense pourcentage concernant les raisons des démissions du personnel de Mont-Saint-Martin en 2020 (le Grand-Duché).

L’équation est toute aussi dure à résoudre pour les structures entièrement publiques (le groupe SOS qui possède Mont-Saint-Martin est sur une forme hybride : gestion privée mais à but non lucrative). Avant même la crise du Covid-19, du côté du CHR de Metz-Thionville, la directrice Marie-Odile Saillard expliquait se battre inégalement sur deux fronts : la concurrence du privé (comme ailleurs en France) et la concurrence du Luxembourg.

Un problème plus global

D’un point de vue budgétaire et plus global, le territoire frontalier se retrouve dans une situation inextricable : alors qu’il est « dans la roue » de l’une des économies mondiales plus prospères, les budgets des communes du territoire Longwy-Villerupt sont majoritairement plus faibles que les communes de même taille ailleurs dans la région Grand-Est, alors que l’effort fiscal pour accueillir les nouveaux habitants est globalement plus fort ! (cf étude Climaxion sur la situation fiscale des communes du Grand-Est ici). Si l’on peut pointer des effets de métropolisation négatifs comme ailleurs en France, l’effet « Luxembourg » est imparable aussi : il y a trop peu d’entreprises qui s’installent sur le versant français, donc un manque à gagner en termes de dynamisme et de taxes locales. On ne peut pas vivre que d’un modèle d’économie résidentielle. Où alors il faut fonctionner avec des mécanismes de péréquations adaptés, d’un échelon politique à l’autre, ce qui est inexistant au niveau du transfrontalier. Un territoire « pauvre » (terme de l’étude Climaxion Grand-Est) où viennent s’installer de plus en plus d’habitants « riches » (pour rester dans la sémantique, même si bons nombres de frontaliers ne roulent pas sur l’or)… ça ne fait pas un territoire plus prospère.

HG

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