Sept policiers de la BAC de nuit de Nancy ont été condamnés vendredi à des peines de six à dix-huit mois de prison avec sursis, assorties d’interdictions temporaires ou définitive d’exercer leur métier.
Le tribunal correctionnel a en outre prononcé, pour quatre des policiers, des amendes allant jusqu’à 2 000 euros pour injures racistes envers un collègue.
La juridiction, qui a relaxé trois des dix prévenus, a prononcé des interdictions d’exercer le métier de policier pour les sept condamnés, dont une définitive pour celui décrit lors des audiences en mars comme le meneur, dans ce procès singulier de policiers contre policiers. Pour les autres condamnés, les interdictions sont de cinq ans pour l’un d’eux, de deux ans pour deux policiers et d’un an pour les trois autres.
Le meneur, principal prévenu, devra aussi verser des indemnités allant de 4 740 euros à 25 950 euros à chacune des quatre victimes pour atteinte à l’intégrité physique et psychique. Il devra aussi leur verser entre 2 000 et 5 000 euros pour le préjudice moral.
«Harcèlement collectif»
Au total, dix policiers avaient comparu mi-mars, dont neuf pour harcèlement moral et injures racistes : le procureur de la République, François Pérain, qui avait réclamé des interdictions d’exercer pour quatre d’entre eux, avait requis jusqu’à 18 mois de prison avec sursis, évoquant un « harcèlement collectif » de la part des prévenus et qualifiant leur comportement de « machine à exclure qui broie une femme et trois hommes ».
« La justice est passée et le message est clair : le racisme n’a pas sa place dans la police, le harcèlement n’a pas sa place dans l’administration et dans les relations de travail », a salué Me Frédéric Berna, avocat des quatre parties civiles, qualifiant les peines prononcées de « fermes », « à la hauteur de la gravité des faits ».
« Les peines sont justes », a ajouté le conseil : « il n’est pas tolérable que des éléments racistes et déviants prennent la main sur un service de police (…), il n’est pas question que la République se laisse vampiriser par des flics ripoux ».
Neuf prévenus étaient aussi passés en conseil de discipline en octobre dernier. Quatre radiations, une rétrogradation et quatre exclusions temporaires avaient été proposées, des sanctions ensuite confirmées par la hiérarchie, les exclusions temporaires allant d’un an à 15 jours.
«Un calvaire»
Durant le procès, les quatre victimes avaient évoqué leur calvaire lors de leur passage à la BAC de nuit de Nancy et leur mise à l’écart progressive du groupe. Ils ont depuis tous quitté la BAC pour d’autres services de police. « Ils m’ont détruite, j’ai vécu un calvaire » avait ainsi raconté une des victimes, seule femme du service entre 2013 et 2017.
Une autre victime, d’origine maghrébine, faisait l’objet d’insultes racistes régulières dans une conversation Messenger qui rassemblait presque tous les policiers de la BAC de nuit, et dont elle était exclue. Il y était régulièrement traité de « bicot » et de « bougnoule »: des mots écrits sur le coup de la « colère », selon un des prévenus, Stephan S. « Des bêtises », de la « stupidité », s’étaient défendus les autres prévenus qui avaient nié toute volonté de nuire.
Dans un autre message de cette conversation, lu lors du procès par Me Berna, l’un des prévenus évoquait des migrants arrivant devant un centre de soins. Un autre mis en cause avait alors répondu « au four », puis « Einsatzgruppen » (« groupes d’intervention »), des unités mobiles d’extermination du IIIe Reich, chargées des assassinats ciblés, notamment de Juifs en Pologne, Union soviétique et dans les pays baltes.
Un des témoins auditionnés lors du procès, lui aussi policier au sein de la BAC et membre de cette conversation, avait fini, écœuré, par révéler en 2018 la teneur de ces échanges à sa hiérarchie, qui avait ensuite saisi l’IGPN.