Série noire dans le Grand Est : en moins de deux semaines, trois féminicides ou tentative de féminicide ont été commis dans la région, relançant le débat sur le suivi des auteurs de violences conjugales.
Jeudi après-midi, un homme de 48 ans a tenté de tuer sa compagne en pleine rue à Metz avant de se tirer une balle dans la tête au terme d’un « déchaînement de violence », selon le parquet. Il est désormais en état de mort cérébrale et sa victime gravement blessée. Le même jour, à Colmar, un homme de 51 ans a tué son ex-compagne en la poussant par une fenêtre du huitième étage d’un immeuble. Et à Hayange, le 24 mai, un homme de 23 ans a poignardé à mort sa compagne en pleine rue.
A chaque fois, les victimes étaient soumises de longue date à la violence de leur compagnon : des plaintes avaient été déposées, certains avaient même été condamnés pour ces faits. C’est le cas de l’auteur présumé de la tentative de féminicide à Metz, déjà condamné en 2014 à deux mois de prison avec sursis pour des « violences par conjoint ». En août dernier sa victime avait déposé plainte pour injures, une plainte classée sans suite par le parquet. Récemment encore, les 19 et 28 mai, elle s’était de nouveau présentée à la police pour signaler qu’il l’avait injuriée, lui avait craché dessus et l’avait suivie en voiture, selon le parquet.
Dans cette affaire, a assuré le procureur de la République de Metz, Christian Mercuri, les policiers ont « fait les rapprochements nécessaires » avec les antécédents de l’auteur et procédé aux « diligences nécessaires », saisissant l’unité médico-judiciaire pour « apprécier le retentissement des faits dénoncés par la victime ». « Tout cela a été fait de manière très professionnelle », a insisté le procureur.
Mission d’inspection
Mais ces féminicides ont mis en lumière aussi les failles dans le suivi des conjoints violents, qu’il s’agisse des services de police, de la justice ou de leur coordination.
Après le drame de Hayange, Christian Mercuri avait martelé que le suspect n’était pas identifié par la justice « comme un conjoint violent ». S’il l’avait été, il n’aurait « pas reçu un aménagement de peine au domicile conjugal », avait-il fait valoir tout en regrettant un défaut de transmission d’informations. Le suspect, condamné à un an de prison pour des délits routiers, avait bénéficié, dix jours avant la mort de sa victime, d’un aménagement de peine, obtenant la possibilité d’exécuter le reliquat de sa peine sous bracelet électronique, au domicile conjugal. Sa compagne avait pourtant déposé une main courante et une plainte en 2020, faisant état de violences verbales, de harcèlement ou de menaces de mort. Police secours était également intervenue à plusieurs reprises au domicile du couple, alertée par des voisins à la suite de violentes disputes.
Une mission d’inspection, lancée par le gouvernement, devra déterminer les circonstances qui ont conduit à ce décès. Les conclusions sont attendues mi-juin.
Déjà 49 féminicides
Depuis aussi, le directeur central de la sécurité publique, qui a autorité sur les commissariats de France hors Paris, a demandé aux policiers un meilleur suivi des affaires. Ils devront ainsi adresser « sans délai » au parquet plaintes et mains courantes, et mentionner cet envoi dans la procédure.
A Colmar, l’auteur présumé, très alcoolisé (2,5 g d’alcool par litre de sang), a défenestré son ancienne compagne, âgée de 48 ans, selon une source proche de l’enquête. Il est ensuite resté à la fenêtre et a jeté des canettes de bière en direction du corps avant d’être interpellé sans résistance. D’après une voisine, citée par cette même source, la victime était régulièrement l’objet de violences commises par son ancien compagnon. Selon le parquet, l’auteur présumé des faits, né en 1969, avait été condamné en janvier 2019 par le tribunal correctionnel de Colmar à 6 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant 3 ans pour des violences aggravées sur cette même victime. Il était suivi dans le cadre de la probation par le juge de l’application des peines et le service d’insertion et de probation. Mais « une évaluation de sa prise en charge sera effectuée, conformément aux instructions du garde des Sceaux », a annoncé la procureure.
Selon le collectif « Féminicides par compagnons ou ex », 49 féminicides ont déjà été recensés en 2021. En 2020, le ministère de l’Intérieur en avait décompté 90, contre 146 l’année précédente.
LQ/AFP