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Gilets jaunes d’Aumetz : « Un genou à terre mais toujours debout »


Sur le rond-point d’Aumetz, les Gilets jaunes, un noyau dur de vingt-cinq personnes, sont déterminés comme au premier jour. « Non, les Gilets jaunes ne sont pas morts. » (Photo RL /Pierre Heckler).

Il y a toujours de la vie dans le QG des Gilets jaunes, planté à proximité du rond-point d’Aumetz. Presque deux ans après le début du mouvement national, nous sommes allés voir ce qui animait ces résistants de la première heure, déterminés à ne rien lâcher.

Au milieu d’une étendue de champs, bercé par le vrombissement des véhicules qui transitent par la RD16, il est un petit îlot de résistance qui ne frémit pas. C’est le dernier QG des Gilets jaunes dans le nord de la Moselle, entre Aumetz et Audun-le-Tiche. Deux années de combat, quatre incendies et quelques pillages ne sont pas parvenus à le faire passer à trépas. Le drapeau tricolore ondule fièrement à côté de la cabane qui prend ses quartiers d’été. « On a une nouvelle table, – celle-là, on ne nous la piquera pas –, on commence à aménager la terrasse », sourit Aurélie, Gilet jaune de la première heure. « On ne lâche pas notre symbole. »

« La crise nous a donné du mordant »

Les croix emblématiques perdues dans les herbes folles de l’espace central du giratoire ont été retirées le temps de la tonte saisonnière. Aurélie et ses compagnons de lutte trépignent à l’idée de mettre en place les nouveautés, comme cette Croix de Lorraine qui fait la fierté du groupe.

Les Gilets jaunes ne sont pas morts. « Un genou à terre peut-être, mais toujours debout », promet cette mère de famille. Il y a, dit-elle, tant à dénoncer encore : « Le pouvoir d’achat plus que jamais, les retraites, la valeur travail… » La gestion de la crise sanitaire par le gouvernement qu’ils exècrent ajoute de l’eau à leur moulin. « Les stocks de masques, la réouverture des écoles, les consignes contradictoires, bref… Plus ça va, pire c’est. Cette crise ne nous a pas affaiblis, elle nous a donné du mordant. »

Ils sont désormais vingt-cinq à se retrouver « principalement sur les manifestations pour les causes qu’on estime justes », à investir plusieurs fois par semaine la cabane en bois. L’occasion de se griller une saucisse et d’évoquer les futures actions. « Quand j’entends certains dire qu’on est des fainéants, ça me bouffe. Si c’était le cas, on serait en train de pester devant notre télé. Sauf qu’on est là. On perd des instants en famille. »

Un nouveau souffle ?
« Nous, à 20h, on n’applaudissait pas les soignants », lâchent Danielle et Clément, défenseurs d’une « justice sociale et fiscale », perplexes face à « un virus arrivé comme par hasard au moment où les Français sortaient dans la rue ». Le couple de retraités d’Errouville, sweat-capuche personnalisé identique à celui des copains, s’apprêtait à venir gonfler les rangs du défilé pour l’hôpital, mardi dernier. « Ces gens-là, on aimerait les voir manifester, soutenir le personnel. S’insurger sur son canapé, ça c’est facile. »

Christian, ancien postier à l’usine, promène sa béquille et sa détermination sur le camp depuis les débuts. Jérôme, lui, cherche à retrouver le chemin de l’emploi, se demandant comment il exprimera ses convictions s’il est embauché. « En entreprise, beaucoup soutiennent les Gilets jaunes, mais préfèrent ne pas le dire. » « On aimerait que la colère des Français ne retombe pas après la crise », confie Aurélie. On n’oblige personne à venir sur le camp. Etre solidaire, c’est aller manifester. »

La discrète Natacha a perdu son emploi pendant la crise. L’équipementier automobile qui l’embauchait n’a pas renouvelé son contrat. « Avec la crise économique, on va vers de gros soucis, notamment pour les jeunes », redoutent les membres du groupe. Quant à l’opportunité d’un nouveau souffle pour les Gilets jaunes, Aurélie ne s’autorise pas à y croire. « Avec l’ouverture des frontières, les Français sont surtout préoccupés par leurs vacances. »

Joan Moïse (Le Républicain Lorrain)