Après la fusillade qui a fauché sa fille et rendu handicapé son fils, Patricia Lavialle se débat toujours face aux difficultés. Il y a 18 mois, cette fusillade avait traumatisé toute la ville de Metz. L’auteur des faits est en prison et attend son procès.
L’homme qui se dresse de son fauteuil roulant pour nous saluer a été donné pour mort. Au mieux, promettait le corps médical, il était promis à un état végétatif. « Oui, on nous l’annonçait légume », balance dans un souffle sa mère.
Après avoir pris une balle en pleine tête à Metz-Nord, lors de la fusillade du 30 mai 2015, Anthony Lavialle marche. Il parle un peu, sourit. Il lève même ce bras droit qui devait rester inerte à jamais. Il se souvient de sa jeunesse. Mais pas de ce moment de terreur. Le jeune homme, qui va fêter ses 27 ans à la fin du mois, revient de loin.
« Les idées les plus sombres m’ont traversé l’esprit à l’époque. Parce que je n’imaginais pas voir Anthony rester dans le coma. Mais j’y ai cru, et j’ai continué à lui parler à son chevet, lorsqu’il était hospitalisé. Et un jour, il m’a serré la main. Cela m’a donné beaucoup de courage… »
De la force, aussi. Patricia Lavialle n’est plus cette femme qui, rencontrée pour la dernière fois il y a un an, semblait perdue. Présente, mais la tête ailleurs. Avec sa fille Céline, sans doute, une jolie brune de 22 ans fauchée ce soir-là par les balles tirées par Jean-Ludovic Gbétie, incarcéré depuis.
«On ne lui épargne rien»
Non, Patricia Lavialle est aujourd’hui une femme écorchée vive. « Je me bats pour Anthony. Sinon, qui le fera? » Sa sœur, Marie-Jo. Leur avocat, Miroslav Terzic. Elle fait vite le tour des soutiens présents au quotidien. De ceux qui l’aident pour faire face aux problèmes. Nombreux lorsqu’on est victime. « J’ai toujours perçu une écoute attentive de la justice. Mais la justice fait avec ses moyens », soupire l’avocat messin. La mère de famille doit, depuis des mois, faire avec les lenteurs judiciaires comme celles de l’administration.
« On ne lui épargne rien », fulmine sa sœur. La famille voudrait un peu plus d’empathie, plus de bienveillance, quelques facilités dans les démarches. Elle découvre qu’il n’y a aucun passe-droit pour les gens foudroyés par la douleur de perdre de la sorte l’un des siens. «Anthony vit avec moi depuis le 15 janvier dernier. Il est handicapé à 100 %. On vient seulement d’obtenir le versement de l’allocation adulte handicapé. Normal? »
Patricia Lavialle a le cœur gros lorsqu’elle montre la salle de bains de son logement de Woippy, sans barre de soutien pour faciliter la toilette du jeune rescapé. Ou son lit médicalisé trop petit. « Il est plié en deux. Pourtant, on est dans une résidence pour personnes handicapées ou âgées… » Anthony fait des signes avec sa main valide pour signifier qu’il est coincé lorsqu’il essaye de dormir. Son œil droit – il a perdu l’autre – fixe l’interlocuteur. « La vie est dure, Anthony? » « Vache… », lâche-t-il.
Mais il y a une vie, quand même. « C’est vrai que c’est un miracle , positive pour la première fois la maman. Nous sommes ensemble… Il va chez le kiné trois fois par semaine par ses propres moyens, et fait des progrès. C’est déjà énorme. J’aimerais seulement qu’on me laisse tranquille avec lui, qu’on nous facilite les choses… »
Il sera temps ensuite de se préparer au procès. Voir l’homme à l’origine de ces malheurs. « Je n’arrive pas à dire si j’attends ou redoute ce moment. Ce que je sais, c’est que lui dort en prison. Et qu’Anthony et moi, j’ai l’impression que nous sommes condamnés à perpétuité. »
Kevin Grethen (Le Républicain lorrain)